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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/452

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des campagnes, du pillage des maisons. A l’avarice et à l’arrogance, vices dominants de qui se sent le plus fort, se joignait, pour aigrir les esprits, l’insolence des Gaulois qui, en se vantant que Galba leur avait remis le quart des tributs et donné des récompenses publiques, prenaient plaisir à braver l’armée. Le mal s’accrut du bruit adroitement semé, légèrement accueilli, qu’on allait décimer les légions et congédier les centurions les plus braves. De toutes parts venaient des nouvelles menaçantes ; la renommée n’apportait de Rome que de sinistres récits ; la colonie lyonnaise était mécontente, et, dans son opiniâtre attachement à Néron, il n’était sorte de rumeurs dont elle ne fût la source. Mais le mensonge et la crédulité avaient dans les camps surtout un fonds inépuisable : la haine, la crainte, et, à côté de la crainte, la réflexion qui compte ses forces et se sent rassurée.

27. La guerre de Vindex fut terminée par un seul combat sous les murs de Vesuntio (Besançon).

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Entré dans la Basse-Germanie vers les kalendes de décembre de l’année précédente, Vitellius avait visité avec soin les quartiers d’hiver des légions, rendant la plupart des grades enlevés, remettant les peines ignominieuses, adoucissant les notes trop sévères ; souvent par politique, quelquefois par justice. C’est ainsi que, condamnant la sordide avarice avec laquelle Capiton donnait ou ôtait les emplois militaires, il en répara les injustices avec une impartiale équité. Et ces actes, qui étaient après tout ceux d’un lieutenant consulaire, l’armée en exagérait l’importance. Pour les hommes graves, Vitellius était rampant ; la prévention le trouvait affable : elle appelait bonté généreuse la profusion sans mesure ni discernement avec laquelle il donnait son bien, prodiguait celui des autres. J’ajouterai que le désir ardent d’être enfin commandés faisait ériger ses vices mêmes en vertus. S’il y avait dans l’une et l’autre armée beaucoup d’esprits sages et paisibles, il n’y en avait pas moins de pervers et de remuants. Mais nulle ambition n’était plus effrénée, nulle audace plus entreprenante, que celle des commandants de légions Alliénus Cécina et Fabius Valens. Valens se trouvait mal récompensé d’avoir dénoncé les irrésolutions de Virginius, étouffé les complots de Capiton ; et, pour se venger de Galba, il animait Vitellins en lui vantant l’ardeur des gens de guerre. Il lui montrait "sa renommée remplissant tout l’empire, Hordéonius incapable de lui opposer d’obstacle, la Bretagne et les auxiliaires de Germanie disposés à le seconder, la foi des provinces chancelante, la précaire autorité d’un vieillard toute prête à tomber de ses mains.