Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/474

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d’un luxe corrupteur. Les sages songeaient au repos et à la république ; les esprits légers et imprévoyants s’enivraient de vaines espérances ; une foule de gens, ruinés pendant la paix, se réjouissaient du désordre et trouvaient leur sûreté parmi les hasards.

45. Aquino, dans la terre de Labour, au royaume de Naples.

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Du reste la multitude et la partie du peuple étrangère aux soucis trop relevés de la politique, commençait à ressentir les maux de la guerre. Les besoins de l’armée absorbaient tout l’argent ; le prix des vivres était augmenté : deux fléaux que la révolte de Vindex n’avait pas fait éprouver au même point. Car alors Rome demeura tranquille, et la querelle, engagée aux extrémités d’une province entre les légions et les Gaules, semblait une guerre étrangère. En effet, depuis que l’empereur Auguste eut affermi le pouvoir des Césars, le peuple romain n’avait livré que des combats lointains, sujets pour un seul d’inquiétude et de gloire : sous Tibère et sous Caïus, on ne craignit que les malheurs de la paix. L’entreprise de Scribonianus contre Claude était réprimée avant qu’on en sût la nouvelle46. De simples messages, des bruits populaires, plutôt que les armes, renversèrent Néron. Mais ici les légions, les flottes, et, ce qui était presque sans exemple, les cohortes du prétoire et de la ville menées aux batailles, l’Orient et l’Occident apparaissant en seconde ligne avec toutes leurs forces, offraient, si l’on eût combattu sous d’autres chefs, la matière d’une longue guerre. Lorsque Othon voulut partir, quelques-uns lui opposèrent un scrupule religieux : les anciles n’étaient pas encore replacés dans le sanctuaire47. II rejeta tous les délais, comme ayant déjà causé la perte de Néron. Cécina d’ailleurs, arrivé en deçà des Alpes, l’aiguillonnait puissamment.

46. Furius Camillus Scribonianus, commandant en Dalmatie, se révolta contre Claude, l’an de Rome 793. Au bout de cinq jours, ses soldats se repentirent et il fut tué dans la petite île d’Issa, où il s’était enfui.
47. Les anciles ou boucliers sacrés, à la conservation desquels une tradition superstitieuse attachait le salut de l’empire, se gardaient dans le temple de Mars. On les en tirait au commencement du mois qui porte le nom de ce dieu : les prêtres saliens les promenaient dans les fêtes qu’on célébrait en son honneur ut qui duraient trente jours ; ensuite ou les enfermait de nouveau.

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La veille des ides de mars, après avoir recommandé la république au sénat, il abandonna aux citoyens rappelés de l’exil ce qui n’était pas encore entré dans l’épargne sur les biens repris aux donataires de Néron : présent des plus justes