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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/501

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la faute en est à lui. Ne l’avoir tiré qu’une fois est un exemple qu’on me devra ; que la postérité juge Othon sur cet acte. Vitellius jouira des embrassements de son frère, de sa femme, de ses enfants ; je n’ai besoin ni de vengeance ni de consolation. D’autres auront possédé l’empire plus longtemps ; personne ne l’aura quitté avec plus de courage. Pourrais-je voir tant de généreux fils des Romains, tant de braves armées, jonchant de nouveau la terre et enlevés à la république ? Laissez-moi emporter la persuasion que vous seriez morts pour ma cause ; mais vivez, et ne mettons plus d’obstacle, moi à votre salut, vous à mon sacrifice. Parler trop longuement de sa fin, c’est déjà une lâcheté. La meilleure preuve que ma résolution est immuable, c’est que je n’accuse personne : qui se plaint des dieux ou des hommes tient encore à la vie."

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Après ce discours, il parle à chacun selon son rang et son âge ; et, les pressant obligeamment de partir au plus tôt, afin de ne pas irriter la colère du vainqueur, il ébranle les plus jeunes par l’autorité, les plus vieux par les prières : paisible en son air, ferme dans son langage, et réprimant les pleurs inutiles qui coulent de tous les yeux. Il fait donner à ceux qui partent des bateaux et des voitures ; il détruit les mémoires et les lettres où respirent trop d’attachement pour lui ou de mépris pour Vitellius ; il distribue de l’argent, mais avec économie, et non pas en homme qui va périr. Salvius Coccéianus, fils de son frère, d’une extrême jeunesse, s’abandonnait aux larmes et au désespoir ; il lui prodigua les consolations, louant sa tendresse, blâmant ses alarmes : "Vitellius serait-il assez impitoyable pour jouir du salut de tous les siens, sans payer leur sauveur de quelque retour ? Et lui-même n’achetait-il pas en mourant si promptement la clémence du vainqueur ? Ce n’était pas un vaincu réduit aux abois, c’était le chef d’une armée impatiente de combattre, qui épargnait à la république une dernière catastrophe. Assez d’illustration était acquise à son nom, assez de noblesse à ses descendants. Le premier après les Jules, les Claudes, les Servius, il avait porté l’empire dans une nouvelle maison. Que de motifs pour Coccéianus d’embrasser la vie avec courage, sans oublier jamais qu’Othon fut son oncle, et sans jamais trop s’en souvenir ! "

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Ensuite il fit retirer tout le monde et se reposa quelques instants. Déjà les soins du moment suprême occupaient sa pensée, lorsqu’un tumulte soudain vint l’en distraire : c’é