Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/505

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et des actions de grâces pour les armées de Germanie. Une députation alla porter le tribut de la joie officielle. On lut un message de Valens aux consuls qui parut assez mesuré : la modestie de Cécina, qui n’écrivit pas, plut encore davantage.

Cependant des fléaux plus cruels et plus affreux que la guerre affligeaient l’Italie. Épars dans les colonies et les municipes, il n’était pillage, rapine, viol, impureté que n’y commissent les Vitelliens : capables de tous les crimes pour ravir une proie ou gagner un salaire, ils ne respectaient ni le sacré ni le profane. Dans ce désordre, des habitants égorgèrent leurs ennemis et en imputèrent le sang aux soldats. Les soldats eux-mêmes, connaissant les lieux, marquaient les fermes les mieux remplies, les propriétaires les plus riches, pour tout enlever, ou, si l’un résistait, pour tout détruire. Les généraux, dépendants de leurs troupes, n’osaient rien empêcher : moins avide d’argent que Valens, Cécina l’était davantage de popularité ; Valens, décrié par ses rapines et ses gains sordides, fermait les yeux sur les fautes d’autrui. Tant d’infanterie et de cavalerie, tant de violences, de pertes, de vexations, étaient pour l’Italie dés longtemps épuisée un insupportable fardeau.

Vitellius apprend qu’il est vainqueur

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Pendant ce temps, Vitellius, vainqueur sans le savoir, venait comme à une guerre où la question serait entière, traînant avec lui le reste de l’armée de Germanie. Il avait laissé dans les quartiers d’hiver un petit nombre de vieux soldats, et pressé le recrutement dans les Gaules, afin de garnir les cadres vides des légions restantes. La garde du fleuve fut remise à Hordéonius. Vitellius emmena huit mille hommes tirés de Bretagne, et, après une marche de quelques jours, il apprit le succès de Bédriac et la fin de la guerre, éteinte par la mort d’Othon. Il assemble l’armée et comble d’éloges la valeur des soldats. Sollicité par les troupes d’élever son affranchi Asiaticus au rang de chevalier, il réprima cette basse adulation. Ensuite, par une bizarre inconséquence, ce qu’il avait refusé publiquement, il le donna dans le secret d’un repas, et il décora de l’anneau d’or Asiaticus, un esclave chargé d’opprobre, un courtisan qui n’avait de titres que ses crimes.

Meurtre d’Albinus en Afrique

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Vers la même époque, on vint lui annoncer la réunion à son parti des deux Mauritanies et le meurtre d’Albinus, qui en était procurateur. Lucéius Albinus, placé par Néron à la tête de la Mauritanie césarienne, à laquelle Galba joignit la Tingitane,