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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/507

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contagion gagna même les autres légions, qui déjà étaient jalouses des soldats du Rhin, et les pensées se tournèrent à la guerre. Suétonius et Proculus essuyèrent l’humiliation d’une attente longue et suppliante. Entendus à la fin, la nécessité plus que l’honneur dicta leur apologie. Ils se donnèrent le mérite d’une trahison : la route immense parcourue avant le combat, la fatigue des Othoniens, les voitures de bagages mêlées parmi les bataillons, les chances même du hasard, tout selon eux était leur ouvrage. Vitellius crut récompenser la perfidie et ne fit qu’absoudre la fidélité. Titianus, frère d’Othon, ne courut aucun péril : le devoir et son incapacité lui servirent d’excuse. Celsus conserva la dignité de consul. Mais la renommée accusa Cécilius Simplex (à qui le reproche en fut fait plus tard dans le sénat) d’avoir marchandé cet honneur, et cela aux dépens de la vie de Celsus. Vitellius résista, et donna depuis à Simplex un consulat qui ne coûtait ni crime ni argent. Trachalus fut protégé contre ses accusateurs par Galérie, femme de Vitellius.

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Au moment où s’agitait le sort des plus illustres têtes, un certain Mariccus, Boïen15, de la lie du peuple, osa (j’ai honte de le dire) se mêler aux jeux de la fortune, et provoquer au nom du ciel les armes romaines. Déjà ce libérateur des Gaules, ce prétendu dieu (c’est le nom qu’il s’arrogeait), avait rassemblé huit mille hommes, et entraînait les cantons des Éduens le plus à sa portée, lorsque cette cité fidèle, avec l’élite de sa jeunesse et les cohortes qu’ajouta Vitellius, dispersa cette multitude fanatique. Pris dans le combat, Mariccus fut exposé aux bêtes. Comme elles tardaient à le dévorer, le stupide vulgaire le croyait invulnérable : Vitellius le fit tuer sous ses yeux.

15. Les Boïens occupaient la partie de la Gaule appelée aujourd’hui le Bourbonnais.

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Là se borna la sévérité contre les rebelles ; il n’y eut pas non plus de confiscations. Les testaments de ceux qui étaient morts en combattant pour Othon furent maintenus, et la loi suivie à défaut de testaments. Que Vitellius eût modéré sa débauche, son avarice inspirait peu de craintes ; mais il était d’une monstrueuse et insatiable gourmandise. Tout ce qui peut irriter un palais blasé lui arrivait de Rome et de l’Italie, et le bruit des charrois ne cessait pas sur les chemins de l’une et de l’autre mer16 ; son passage ruinait en festins les