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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/509

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avec les exemples de modération qu’elle avait près d’elle en Galérie, femme de l’empereur, dont l’influence ne fit jamais couler de larmes, et Sextilia, mère des Vitellius, femme également irréprochable et modèle vivant des anciennes mœurs. Celle-ci, dit-on, à la première lettre de son fils, protesta que c’était de Vitellius et non de Germanicus qu’elle était mère17 ; et depuis ni caresses de la fortune, ni empressements du peuple romain, ne purent ouvrir son cœur à la joie. De la destinée de sa maison elle ne sentit que les malheurs.

17. Vitellius avait signé sa lettre du nom de Germanicus. Il ne le méritait pas plus que l’enfant au berceau qu’il venait d’en décorer en présence des légions.

65

Vitellius était parti de Lyon : Cluvius Rufus, qui avait quitté l’Espagne, le joignit en chemin, avec un air d’allégresse et de congratulation, mais inquiet dans l’âme et certain que la délation ne l’avait pas épargné. Hilarius, affranchi du prince, avait déclaré qu’en apprenant l’élévation à l’empire de Vitellius et d’Othon, Cluvius, ambitieux pour son compte, avait voulu s’approprier l’Espagne, et que, dans cette vue, il n’avait mis en tête de ses patentes le nom d’aucun prince. Il trouvait aussi dans quelques traits de ses discours l’intention d’outrager Vitellius et de se populariser lui-même. Le crédit de Cluvius l’emporta, et Vitellius fut le premier à faire punir son affranchi. Depuis ce temps, Cluvius fit partie de la cour, tout en conservant l’Espagne, qu’il gouverna sans y résider. Ainsi avait fait L. Arruntius, que Tibère retenait par défiance ; mais c’était sans redouter Cluvius que le nouvel empereur le gardait près de lui. Trébellius Maximus ne fut pas si favorisé ; il arrivait de Bretagne, fuyant la colère de son armée. Un des officiers présents, Vectius Bolanus, fut envoyé à sa place.

66

L’esprit toujours indompté des légions vaincues alarmait Vitellius. Éparses dans l’Italie et mêlées aux vainqueurs, elles parlaient un langage hostile. La quatorzième surtout, plus arrogante que les autres, ne se confessait pas vaincue : "Il n’y avait eu, disait-elle, que ses vexillaires de repoussés à Bédriac ; le corps de la légion n’y était pas." Vitellius ordonna qu’on la renvoyât en Bretagne d’où Néron l’avait tirée, et qu’en attendant on fît camper avec elle les cohortes bataves, dont la vieille inimitié la tiendrait en respect. Entre gens armés que tant de haines divisaient, la paix ne fut pas longue.