Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/513

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avec les gens de guerre, on voyait des troupeaux d’histrions et d’eunuques, et tous les opprobres de la cour de Néron ; car Néron lui-même était l’objet des continuelles admirations de Vitellius, qui le suivait jadis sur les théâtres, non par nécessité comme tant d’hommes honorables, mais par dissolution et vendu en esclave à qui l’engraisserait. Pour ouvrir à Cécina et Valens une place parmi les consuls de l’année, on prit sur les mois déjà promis à d’autres : Macer fut passé sous silence, parce qu’il avait commandé pour Othon ; Valérius Marinus, choisi par Galba, fut remis à un autre temps ; non qu’on lui reprochât aucun tort, mais on le savait doux et homme à supporter l’injure. Pédanius Costa fut retranché ; il déplaisait au prince, pour s’être déclaré contre Néron et avoir sollicité Virginius. D’autres causes toutefois furent mises en avant, et l’on remercia Vitellius par habitude de servilité.

Une imposture, qui eut d’abord de rapides succès, ne fit cependant illusion que peu de jours. Un homme parut qui prétendait être Scribonianus Camérinus, "caché, disait-il, pendant les terreurs du règne de Néron, dans la province d’Istrie, où les anciens Crassus avaient laissé des clients, des biens, et un nom dont la popularité subsistait encore." Il s’associa pour jouer cette comédie les plus vils acteurs ; et déjà le crédule vulgaire et quelques soldats abusés ou amis du désordre accouraient autour de lui, quand il fut tramé devant le prince. Interrogé qui il était, il ne répondit que par des mensonges. Reconnu d’ailleurs par son maître pour un échappé de servitude nommé Géta, il fut livré au supplice des esclaves.

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Il est à peine croyable à quel point s’accrurent l’orgueil et l’extravagance de Vitellius, quand ses courriers lui eurent annoncé de Syrie et de Judée que l’Orient l’avait reconnu. Jusqu’alors, bien qu’incertaine encore et vague dans ses rapports, la renommée parlait cependant de Vespasien ; et plus d’une fois à ce nom Vitellius avait tressailli. Maintenant le chef et l’armée, ne se voyant plus de rivaux, se jetèrent, en fait de cruauté, de débauche, de brigandage, dans tous les débordements des mœurs étrangères.

Hésitations de Vespasien

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Cependant Vespasien tournait ses pensées vers la guerre et les armes, et faisait la revue de ses forces ou voisines ou éloignées. Dans son camp le soldat était tout prêt, jusqu’à ce point que, lorsqu’il dicta le serment et prononça les vœux pour Vitellius, pas une voix ne rompit le silence. Mucien n’avait pour Vespasien même aucun éloignement, et il avait