Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/517

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dont le public s’entretînt davantage, et l’on en parlait encore plus dans l’intimité de Vespasien : on a beaucoup à dire à ceux qui espèrent beaucoup.

Vers le pouvoir

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Les deux chefs se séparèrent, bien sûrs de leurs desseins, et Mucien se rendit à Antioche, Vespasien à Césarée : ce sont les capitales, celle-ci de Judée, et l’autre de Syrie. Le mouvement qui mit l’empire aux mains de Vespasien partit d’Alexandrie. Tibérius Alexander en hâta le signal en faisant reconnaître ce prince par ses légions dès les kalendes de juillet. L’usage a consacré ce jour comme le premier de son règne, quoique ce soit le cinq des nones que les troupes de Judée firent serment entre ses mains. Ce fut du reste avec tant d’ardeur qu’elles n’attendirent pas même son fils Titus revenant de Syrie et organe des intelligences de Mucien et de son père. L’enthousiasme des soldats fit tout sans qu’on les eût harangués, sans qu’on eût réuni les légions.

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Pendant qu’on cherchait un temps, un lieu favorables, et, ce qui est le plus difficile à trouver, une voix qui s’élevât la première, dans ces moments où l’espérance, la crainte, les calculs de la raison, les chances du hasard, assiègent la pensée ; quelques soldats rangés à la porte de Vespasien, pour lui rendre, quand il sortirait de son appartement, les devoirs ordinaires, au lieu de le saluer comme général, le saluèrent comme empereur. Aussitôt leurs compagnons accoururent et lui donnèrent l’un sur l’autre les noms de César, d’Auguste, et tous les titres du rang suprême : les esprits affranchis de la peur s’étaient tournés du côté de la fortune. Chez Vespasien, nul signe d’arrogance ni d’orgueil ; rien n’était nouveau en lui que sa destinée. Aussitôt qu’il eut dissipé cette nuée de soldats dont sa vue était comme obscurcie, il harangua militairement ses troupes, et bientôt les plus heureuses nouvelles arrivèrent de toutes parts. Mucien n’attendait que le mouvement de Judée : il convoque ses soldats déjà pleins d’ardeur, et reçoit leur serment ; il se rend ensuite au théâtre d’Antioche, où les habitants s’assemblent pour délibérer, et là, entouré d’une foule immense qui se répandait en adulations, il leur adresse un discours : il s’énonçait, même en grec, avec assez de grâce, et savait embellir toutes ses paroles et toutes ses actions d’un éclat qui les faisait valoir. Rien n’enflammait les esprits de la province et de l’armée comme l’assurance donnée par Mucien que Vitellius avait résolu de transporter les légions du Rhin dans les riches et paisibles garnisons de la Syrie,