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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/520

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cesse que l’argent était le nerf de la guerre civile ; aussi n’était-ce ni le droit, ni la vérité, mais la grandeur des richesses, qui dictaient ses sentences. La délation s’exerçait sans relâche, et tout homme opulent était saisi comme une proie : excès intolérables, excusés par les besoins de la guerre, mais qui subsistèrent jusque dans la paix. Ce n’est pas que Vespasien lui-même, dans les commencements de son règne, mît encore à enlever d’injustes arrêts une volonté obstinée. Un temps vint où, gâté par la fortune, instruit par des maîtres pervers, il apprit et osa. Mucien contribua de ses propres trésors aux dépenses de la guerre, libéral d’un bien qu’il reprenait à pleines mains sur la république. Les autres ouvrirent leur bourse à son exemple : très peu eurent comme lui toute licence de s’en dédommager.

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Les succès de Vespasien furent accélérés par l’empressement des légions illyriques à se ranger sous ses drapeaux. La troisième donna l’exemple aux autres légions de Mésie. C’étaient la huitième et la septième Claudienne, toutes deux passionnées pour la mémoire d’Othon, quoiqu’elles ne se fussent pas trouvées à la bataille. Elles s’étaient avancées jusqu’à Aquilée. Là, en chassant violemment ceux qui annonçaient la catastrophe, d’Othon, en déchirant les enseignes qui portaient le nom de Vitellius, en pillant à la fin et se partageant le trésor militaire, elles s’étaient montrées en ennemies. Elles conçurent des craintes, et la crainte porta conseil : elles crurent qu’on pouvait faire valoir auprès de Vespasien ce qui auprès de son rival aurait besoin d’excuse. Les trois légions écrivirent à l’armée de Pannonie pour l’engager dans leurs desseins, et, en cas de refus, elles se préparaient à employer la force. Dans ce mouvement, Aponius Saturninus, gouverneur de Mésie, tenta un audacieux forfait : il envoya un centurion assassiner Tertius Julianus, lieutenant de la septième légion ; vengeance particulière qu’il couvrait d’un motif politique. Julianus, instruit du danger, prit des guides sûrs, et s’enfuit par les déserts de la Mésie jusqu’au delà du mont Hémus. Depuis il ne fut plus mêlé à la guerre civile, reculant sous différents prétextes son arrivée au camp de Vespasien, pour lequel il s’était mis en route, et, selon la diversité des nouvelles, ralentissant ou hâtant sa marche.

86

En Pannonie, la treizième légion et la septième Galbienne, nourrissant un profond ressentiment de l’affront de Bédriac, embrassèrent sans balancer la cause de Vespasien.