Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/561

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tout braver pour lui ; faute que condamnèrent jusqu’aux centurions de quelque talent, tout prêts, s’il les eût consultés, à le tirer d’erreur. Mais les familiers de Vitellius les tinrent éloignés ; ainsi étaient faites les oreilles de ce prince : l’utile le révoltait ; ce qui pouvait le flatter et le perdre était seul entendu.

La flotte de Misène change de camp

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Quant à la flotte de Misène (que ne peut dans les discordes civiles l’audace d’un seul homme !), ce fut Claudius Faventinus, centurion ignominieusement congédié par Galba, qui la fit changer de parti, en supposant des lettres où Vespasien offrait une récompense à la perfidie. La flotte avait pour chef Claudius Apollinaris, qui ne sut être ni fidèle avec constance, ni traître avec résolution. Apinius Tiro, ancien préteur, qui se trouvait alors à Minturnes, se mit à la tête des révoltés. Ils entraînèrent les municipes et les colonies. Pouzzoles se montra la plus ardente pour Vespasien, tandis que Capoue tenait pour Vitellius ; ainsi les rivalités locales se mêlaient à la guerre civile. Vitellius choisit pour adoucir l’esprit des soldats Claudius Julianus, qui avait, peu auparavant, commandé la flotte avec une autorité mollement populaire. On lui donna pour appuyer sa mission une cohorte de la ville et les gladiateurs, qui alors étaient sous ses ordres. Quand les deux camps furent en face l’un de l’autre, Julianus, sans beaucoup d’hésitation, passa dans le parti de Vespasien, et tous ensemble occupèrent Terracine, mieux garantie par ses murailles et sa situation que par l’esprit de ses nouveaux défenseurs.

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A cette nouvelle, Vitellius, ayant laissé à Narni une partie de ses troupes et les préfets du prétoire, opposa son frère Lucius, avec six cohortes et cinq cents cavaliers, à la guerre qui s’avançait à travers la Campanie. Pour lui, en proie à toutes les souffrances de l’âme, il était soulagé par l’empressement des soldats et les cris du peuple qui demandait des armes ; et, dans son illusion, il donnait à un vil amas de lâches, incapables de rien oser au delà des paroles, le nom d’armée et de légions. D’après le conseil de ses affranchis (car c’était aux plus distingués de ses amis qu’il se fiait le moins), il convoque les tribus et reçoit le serment à mesure qu’on s’enrôle. Comme l’affluence était sans bornes, il partage entre les deux consuls le soin de faire un choix. Il impose aux sénateurs une contribution déterminée en esclaves et en argent ; les chevaliers romains offrirent aussi des bras et de l’or. Les affranchis eux-mêmes sollicitèrent leur part de ces charges.