Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/564

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remplirent d’épouvante, en exagérant la valeur et les forces de l’ennemi, pour diminuer la honte de leur défaite. Il n’y avait point chez les Vitelliens de peine pour le lâche, et le déserteur était sûr de sa récompense ; aussi l’on ne combattit plus que de perfidie. A chaque instant passaient à l’ennemi tribuns et centurions ; car le simple soldat tenait opiniâtrement pour Vitellins. Enfin Priscus et Alphénus, abandonnant l’armée et retournant vers le prince, sauvèrent à tous les autres la honte dune trahison.

28. Ville d’Ombrie, aujourd’hui Terni.

Mort de Valens

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Pendant ces mêmes jours, Valens fut tué à Urbinumi29, où il était prisonnier. On montra sa tête aux cohortes vitelliennes, afin de leur ôter leur dernière espérance ; car elles croyaient que Valens avait pénétré en Germanie, et que là il mettait en mouvement les anciennes armées et en formait de nouvelles. La vue de sa tête sanglante les jeta dans le désespoir. Quant à l’armée flavienne, on ne saurait dire à quel point elle se réjouit d’une mort qu’elle regardait comme la fin de la guerre. Valens était né à Anagnia30, d’une famille équestre. De mœurs libres et d’un esprit qui n’était pas sans agrément, il cherchait ; par des jeux bouffons, une renommée d’élégance. Aux fêtes Juvénales, sous Néron, il monta sur le théâtre, d’abord comme par force, ensuite de son plein gré, et joua des mimes avec plus de talent que de pudeur. Commandant de légion sous Virginius, il lui fit la cour et le diffama. Il tua Capiton après l’avoir corrompu, ou peut-être parce qu’il n’avait pu le corrompre. Traître à Galba, fidèle à Vitellius, il reçut quelque éclat de la perfidie des autres.

29. Urbinum dans l’Ombrie aujourd’hui Urbino, patrie du grand peintre Raphaël.
30. Anagnia était le chef-lieu des Herniques dans le Latium ; c’est maintenant Anagni, petite ville des États de l’Église.

Vitellius hésite à se rendre

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Voyant toute espérance détruite, les soldats vitelliens, décidés à changer de parti, voulurent encore ne pas le faire sans honneur : ils descendirent avec leurs enseignes et leurs drapeaux dans la plaine qui s’étend au-dessous de Narni. Les troupes flaviennes, rangées en armes comme pour le combat, bordaient de deux haies épaisses les côtés de la route. Les Vitelliens furent reçus au milieu, et, après les avoir fait environner, Antonius leur adressa des paroles de douceur et de paix. Une partie eut ordre de rester à Narni, l’autre à Intéramne. On laissa près d’eux quelques-unes des légions victorieuses,