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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/565

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qui, sans peser à la fidélité, fussent en force contre la rébellion. Antonius et Varus n’oublièrent pas, dans ces derniers jours, d’offrir à Vitellius, par de fréquents messages, la vie, des richesses et une retraite en Campanie, s’il voulait poser les armes et se remettre avec ses enfants aux mains de Vespasien. Mucien de son côté lui fit les mêmes offres ; et Vitellius eut souvent la pensée d’y souscrire. Déjà il parlait du nombre d’esclaves qu’il désirait avoir, et du rivage dont il ferait choix. Son âme était frappée d’un tel engourdissement que, si les autres ne se fussent souvenus qu’il avait été prince, lui-même l’eût oublié.

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Cependant les premiers de l’État exhortaient secrètement Flavius Sabinus, préfet de Rome, "à prendre sa part de la victoire et de la renommée. Il avait des soldats à lui, les cohortes urbaines ; les gardes nocturnes ne lui manqueraient pas, non plus que les esclaves de ses amis, la fortune du parti, et ce privilège des victorieux de voir tomber tous les obstacles. Voudrait-il le céder en gloire à Antonius et à Varus ? Il ne restait à Vitellius qu’un petit nombre de cohortes, que de tristes nouvelles venaient de toutes parts consterner d’effroi. Rien de si mobile que la faveur populaire ; qu’il s’offrit pour chef, Vespasien deviendrait l’objet de toutes les adulations. Vitellius n’avait pu soutenir la prospérité ; que pourrait-il entouré de ruines ? Le mérite d’avoir terminé la guerre appartiendrait à celui qui s’assurerait de Rome. Il convenait à Sabinus de garder à son frère le dépôt de l’empire, à Vespasien que personne ne prit rang avant Sabinus."

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Il reçut froidement ces conseils, comme un homme affaibli par la vieillesse. Quelques-uns le chargèrent de la secrète imputation de retarder par malveillance et par jalousie la fortune de son frère. Sabinus était plus âgé que Vespasien ; et, quand tous deux vivaient dans la condition privée, il le surpassait en richesses et en considération ; il avait même, disait-on ; pour sauver son crédit chancelant, pris en gage sa maison et ses terres : aussi, malgré leur concorde apparente, on craignait de secrètes mésintelligences. Une supposition plus favorable, c’est que Sabinus, naturellement doux, avait horreur du sang et des meurtres, et que par cette raison il parla souvent à Vitellius de transaction et de paix. Après avoir eu l’un chez l’autre plusieurs entrevues, ils conclurent enfin le traité, à ce qu’on dit alors, dans le temple d’Apollon. Leurs paroles et les accents de leur voix ne furent entendus