Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/568

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Le bruit s’était répandu d’avance qu’il abdiquait l’empire, et Flavius Sabinus avait écrit aux tribuns des cohortes de contenir leurs troupes. Aussitôt, comme si la république se fût jetée tout entière dans les bras de Vespasien, les principaux du sénat, la plupart des chevaliers, tous les soldats des gardes urbaines et nocturnes, remplirent la maison de Sabinus : là on vint annoncer les dispositions du peuple et les menaces des cohortes germaniques32. Sabinus s’était trop avancé pour retourner en arrière ; et les autres, craignant de se livrer, isolés et dès lors moins forts, à la poursuite des Vitelliens, poussaient aux armes le vieillard indécis. Mais, comme il arrive en de telles conjonctures, tous donnèrent conseil, un petit nombre seulement prit part au danger. En descendant vers la fontaine de Fundanus33, un gros de gens armés qui accompagnaient Sabinus se heurta contre les plus avancés de la troupe vitellienne. Le combat fut peu de chose, la rencontre étant fortuite ; mais l’avantage resta aux Vitelliens. En ce désordre, Sabinus prit le parti qui lui offrait le plus de sûreté : il se jeta dans la forteresse du Capitole avec ses soldats et quelques sénateurs et chevaliers dont il me serait difficile de dire les noms ; car, depuis la victoire de Vespasien, beaucoup se sont donné faussement le mérite d’avoir été de ce nombre. Des femmes même se dévouèrent aux périls d’un siège, entre autres Gratilla Vérulana, la plus distinguée de toutes : elle ne suivait en ce lieu ni ses fils ni ses proches, mais la guerre. Les Vitelliens investirent négligemment la place, de sorte qu’au milieu de la nuit Sabinus y fit entrer ses enfants avec Domitien, fils de son frère, et profita d’une des issues négligées pour envoyer dire aux généraux flaviens qu’il était assiégé, et qu’à moins d’un prompt secours sa position était critique. Il passa du reste une nuit si tranquille, qu’il aurait pu sortir sans accident. Les soldats de Vitellius, intrépides eu face du danger, manquaient d’activité pour les travaux et les veilles ; et une pluie d’hiver, qui tomba tout à coup par torrents, ôtait l’usage des oreilles et des yeux.

32. Les cohortes prétoriennes qui se trouvaient à Rome, et que Vitellius avait formées avec des soldats tirés des armées de Germanie.
33. On appelait ainsi une des treize cent cinquante-deux fontaines de Rome. Celle-ci était placée sur le mont Quirinal, ou tout prés de celle colline.

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Au point du jour, Sabinus, avant que les hostilités commençassent,