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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/569

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envoya le primipilaire Cornélius Martialis auprès de Vitellius, avec ordre de se plaindre de la rupture du traité. " Son abdication n’était donc qu’un vain simulacre, une scène jouée pour tromper tant d’illustres citoyens. Pourquoi être allé de la tribune à la maison de son frère, qui domine le Forum et semble provoquer les regards, plutôt que sur le mont Aventin, dans la demeure de sa femme ? Voilà ce que devait faire un homme privé, résolu de fuir tout ce qui rappelle le rang suprême ; et c’est au palais, c’est au lieu même où le pouvoir réside comme dans son fort, que Vitellins est retourné ! Il en a fait descendre des bataillons armés ; il a jonché des cadavres d’une foule d’innocents la partie la plus fréquentée de la ville ; il ne respecte pas même le Capitole. Qu’il regarde Sabinus : vêtu de la toge, il s’assoit au rang des simples sénateurs, tandis que l’épée des légions, la conquête des cités, la soumission des cohortes, prononcent entre Vitellius et Vespasien. Déjà les Espagnes, les deux Germanies, la Bretagne, avaient changé de maître, et le frère de Vespasien restait fidèle, jusqu’au moment où l’on est venu lui demander à traiter. La paix et la concorde sont un besoin pour les vaincus ; aux victorieux elles n’apportent que de la gloire. Si Vitellius se repent de ses promesses, ce n’est pas Sabinus qu’il doit attaquer par le fer, après l’avoir trompé par la perfidie ; ce n’est pas non plus le fils de Vespasien, à peine entré dans d’adolescence. Que lui servirait le meurtre d’un vieillard et d’un enfant ? Qu’il aille au-devant des légions, et que là il vide la querelle : le succès du combat entraînera tout le reste." Vitellius troublé essaya quelques mots d’apologie, rejetant la faute sur les troupes, "dont toute sa prudence n’avait pu modérer le zèle trop ardent." Il avertit Martialis de se retirer secrètement par une porte dérobée, de peur d’être tué par les soldats, en haine de la paix dont il était médiateur. Quant à lui, également impuissant pour ordonner et pour défendre, il avait cessé d’être empereur, il n’était plus qu’un sujet de guerre.

Incendie du Capitole

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Martialis était à peine rentré dans le Capitole, que le soldat furieux y arrivait déjà et sans chef : chacun prenait l’ordre de soi-même. Après avoir rapidement dépassé le Forum et les temples qui le dominent, ils s’élèvent en colonne, par la pente qui fait face, jusqu’à la première porte de la citadelle. Le long de la montée à droite se trouvaient d’anciens portiques, sur le toit desquels s’avancèrent les assiégés ; de là ils écrasaient les Vitelliens avec des tuiles et des pierres. Ceux-ci