Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/570

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n’avaient à la main que leurs épées, et il leur semblait trop long de faire venir des machines ou des armes de trait. Ils embrasent, avec des torches, l’extrémité de la galerie, et cheminent à la suite du feu. Déjà la porte du Capitole était en flammes, et ils allaient y pénétrer, si Sabinus, arrachant de leurs bases les statues élevées à la gloire de nos ancêtres, n’en eût fait devant l’entrée une espèce de rempart. Alors l’ennemi, cherchant d’autres accès, escalade en même temps le côté qui touche au bois de l’Asile34, et les cent degrés de la roche Tarpéienne35. De ces deux attaques également imprévues, celle de l’Asile était la plus vive et menaçait de plus près. Nul moyen d’arrêter les assaillants, qui montaient par une suite de maisons contiguës, élevées dans la sécurité de la paix, à une telle hauteur qu’elles étaient de niveau avec le terrain du Capitole. Ici l’on doute si ce furent les assiégeants ou les assiégés qui allumèrent l’incendie : l’opinion la plus commune est que les assiégés mirent le feu à ces édifices, pour repousser ceux qui montaient ou qui étaient en haut. La flamme gagna les portiques qui régnaient autour du temple : bientôt les aigles qui soutenaient le faite, et dont le bois était vieux, prirent feu et nourrirent l’embrasement. Ainsi brûla le Capitole, les portes fermées, et sans que personne le défendît ni le pillât.

34. La montagne du Capitole avait deux sommets. Sur l’un était situé le temple de Jupiter ; l’autre formait la citadelle de Rome. C’est dans l’espèce de vallée qui séparait les deux cimes que Romulus avait ouvert son asile.
35. La roche Tarpéienne était derrière la citadelle, du côté diamétralement opposé à la montée qui partait du Forum.

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Ce fut la plus déplorable et la plus honteuse catastrophe que Rome eût éprouvée depuis sa fondation. Elle était sans ennemis au dehors ; elle était, autant que le permettent nos mœurs, en paix avec les dieux ; et cette demeure du grand Jupiter, fondée par nos ancêtres, sur la foi des auspices, comme le gage de l’empire ; ce temple, dont ne purent violer la sainteté, ni Porsenna quand la ville se rendit à lui, ni les Gaulois quand ils la prirent, elle le voyait périr dans les querelles furieuses de ses princes. Le feu avait déjà détruit le Capitole dans une guerre civile36 ; mais ce fut le crime de mains inconnues :