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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/574

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furent prises sur le rivage ou s’enfoncèrent sous le poids des fuyards et furent englouties. Julianus, conduit devant L. Vitellius, fut déchiré de verges et massacré sous ses yeux. Plusieurs ont accusé Triaria, femme de Lucius, de s’être montrée ceinte de l’épée militaire parmi le deuil et les calamités de Terracine prise d’assaut, et d’y avoir signalé durement son orgueil et sa cruauté. Pour Lucius, il envoya à son frère les lauriers de cette victoire, et lui demanda s’il devait revenir ou achever la conquête de la Campanie. Cette hésitation fut le salut du parti flavien et même de la république ; car si le soldat, récemment victorieux, et joignant à son opiniâtreté naturelle l’ivresse du succès, eût marché sur Rome, le choc ne pouvait être que terrible et fatal à cette grande cité. En effet, Lucius, quoique infâme, n’était pas sans talents ; et s’il n’avait point, comme les gens de bien, l’énergie de la vertu, il trouvait, comme tous les pervers, des forces dans le vice.

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Pendant que ces événements se passaient du côté de Vitellius, l’armée de Vespasien, partie de Narni, célébrait tranquillement à Ocriculum39 les fêtes de Saturne. Le but d’un retard si hors de saison était d’attendre Mucien. Ce n’est pas qu’Antoine ne fût en butte à quelques soupçons : plusieurs attribuèrent ses lenteurs à un message secret de Vitellius, qui lui offrait, pour prix d’une trahison, le consulat, la main de sa fille, et une dot immense. Cette supposition n’était, suivant d’autres, qu’une fable inventée au profit de Mucien. Selon d’autres encore, "les chefs étaient convenus de menacer Rome, sans y porter la guerre, espérant qu’abandonné de ses meilleures cohortes, et privé de toute espèce de ressources, Vitellius renoncerait à l’empire ; mais toutes les mesures avaient été déconcertées par la précipitation et ensuite par la lâcheté de Sabinus, qui, ayant pris témérairement les armes et occupant la forteresse du Capitole, imprenable même à de grandes armées, n’avait pas su la défendre contre trois cohortes." Il serait difficile d’assigner un auteur unique à une faute qui fut celle de tous : car Mucien, par ses lettres équivoques, arrêtait les vainqueurs ; et Antoine, par une obéissance mal entendue, dont sa haine renvoyait peut-être à Mucien la responsabilité, donna prise à la censure. Les autres chefs aussi, en croyant la guerre terminée, préparaient les coups qui en signalèrent la fin. Cérialis lui-même, détaché à la tête