Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/583

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de son beau-père, ce fut l’indépendance. Citoyen, sénateur, époux, gendre, ami, il accomplit avec une invariable fidélité tous les devoirs de la vie, contempteur des richesses, opiniâtre dans le bien, invincible à la crainte.

5. La philosophie morale et politique : c’est là ce que les Romains appelaient hautes sciences.
6. Le stoïcisme.

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Quelques-uns le trouvaient un peu trop désireux de renommée : il est vrai que la passion de la gloire est la dernière dont le sage se dépouille. La ruine de son beau-père entraîna son exil. Rappelé sous Galba, il entreprit d’accuser Marcellus Eprius, délateur de Thraséas. Cette grande et juste vengeance partagea les sénateurs ; car, si Marcellus était frappé une légion de coupables tombait après lui. La lutte fut d’abord menaçante, et les discours éloquents des deux rivaux en sont la preuve. Bientôt, incertain de la volonté du prince, et cédant aux prières de beaucoup de sénateurs, Helvidius se désista ; résolution que la voix publique, suivant sa coutume, jugea diversement, les uns louant sa modération, où d’autres ne retrouvaient pas sa constance. Dans la séance où fut voté l’empire de Vespasien, on décida qu’une députation serait envoyée à ce prince. Ce fut encore le sujet d’une vive querelle entre Helvidius et Marcellus. Le premier voulait que chaque député fût choisi par les magistrats sous la religion du serment ; le second opinait pour le sort, suivant l’avis du consul désigné.

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Un intérêt de vanité animait Marcellus : il craignait qu’un choix où il ne serait pas compris ne parût une exclusion personnelle. Dans la chaleur croissante de l’attaque et de la réplique, ils en vinrent à des discours suivis et pleins d’animosité. Helvidius demanda "pourquoi Marcellus redoutait à ce point le jugement des magistrats. N’avait-il pas sur tant d’autres l’avantage des richesses et de l’éloquence ? mais une conscience souillée le poursuivait de ses reproches. L’urne et le sort ne faisaient pas acception des mœurs ; les suffrages et l’examen du sénat avaient été institués pour pénétrer dans la vie et la réputation de chacun. Il importait à la république, il importait à l’honneur de Vespasien, qu’on envoyât au-devant de lui ce que cet ordre avait de plus irréprochable, des hommes dont le langage laissât dans l’esprit de l’empereur des impressions honnêtes. Vespasien avait été l’ami de Thraséas, de Soranus, de Sentius, dont il suffisait de ne pas punir les accusateurs, sans les montrer avec ostentation. Par ce choix du sénat, le prince était comme averti de ceux qu’il devait ou estimer ou craindre. Il n’était pas, pour un pouvoir ami du