Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/590

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romains : avec lui étaient ces vieilles cohortes, sous lesquelles avaient succombé dernièrement les légions othoniennes. L’esclavage était fait pour la Syrie, pour l’Asie, pour l’Orient, accoutumé à servir sous des rois ; mais la Gaule, combien de vieillards y vivaient encore, nés avant les tributs ! Naguère du moins la Germanie avait exterminé Varus et chassé la servitude ; et ce n’était pas un Vitellius, c’était César, Auguste, dont elle avait défié la puissance. La liberté est un présent de la nature, où les brutes mêmes ont part : la bravoure est l’héritage privilégié de l’homme, et les dieux secondent le plus brave. Que tardent-ils donc, pleins de force et libres de soins, à fondre sur un ennemi distrait et fatigué ? Pendant qu’on se passionne ici pour Vespasien, là pour Vitellius, tous deux sont en prise à la première attaque."

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C’est ainsi qu’embrassant dans ses vues les Gaules et la Germanie, ce chef préparait une révolution qui n’allait à rien moins qu’à le faire roi de ces riches et puissantes contrées. Hordéonius Flaccus, en fermant les yeux sur ses premières tentatives, en aida le succès. Lorsqu’il vit des courriers arriver tout effrayés, annonçant nos quartiers envahis, nos cohortes détruites, le nom romain chassé de l’île des Bataves, il donna ordre au lieutenant Mummius Lupercus, qui commandait un camp de deux légions12, de marcher contre l’ennemi. Lupercus mena rapidement dans l’île ce qu’il avait de légionnaires, les Ubiens13 cantonnés près de là, et les cavaliers Trévires qui se trouvaient un peu plus loin. Il y joignit une aile de cavalerie batave, qui, depuis longtemps gagnée, feignait d’être fidèle, pour trahir sur le champ de bataille et déserter avec plus d’avantage. Civilis s’entoura des drapeaux de nos cohortes prisonnières, afin que ses guerriers combattissent en présence de leur gloire, et que le souvenir d’un récent désastre effrayât ses ennemis. Il plaça derrière l’armée sa mère, ses sœurs, les femmes et les enfants de tous ses soldats, pour les exciter à vaincre, ou leur faire honte sils pliaient. Lorsque le chant des guerriers et les, hurlements des femmes eurent retenti sur toute la ligne, il s’en fallut que nos légions et nos