Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/602

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Vitellius avait envoyé de l’argent : Hordéonius, sans se faire longtemps presser, le distribua au nom de Vespasien. La sédition en prit une nouvelle force ; ce ne furent plus que débauches, festins, rassemblements nocturnes, au milieu desquels se ralluma leur vieille haine contre Hordéonius. Ni lieutenant ni tribun n’osait leur résister, et la nuit avait ôté le frein de la honte : ils l’arrachent de son lit et le tuent. Le même sort attendait Vocula, s’il ne se fût échappé à la faveur des ténèbres et sous les habits d’un esclave. Quand la passion calmée eut laissé rentrer la peur dans les âmes, ils envoyèrent vers les nations gauloises des centurions avec des lettres, pour solliciter des secours d’hommes et d’argent.

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Toute multitude privée de chef est précipitée, craintive, sans énergie : à l’approche de Civilis, ils prennent tumultueusement les armes, les quittent aussitôt et se mettent à fuir. Le malheur enfanta la discorde, et les troupes qui appartenaient à l’armée du Haut-Rhin séparèrent leur cause de celle des autres. Toutefois les images de Vitellius furent replacées dans le camp et dans les cités belgiques du voisinage, quoique Vitellius fût déjà à la mort. Ensuite, dans un accès de repentir, la première, la quatrième et la dix-huitième légion se mirent sous les ordres de Vocula, qui, après les avoir engagées à Vespasien par un nouveau serment, les mena vers Mayence pour en faire lever le siège. L’ennemi l’avait levé de lui-même ; c’était un assemblage de Cattes, d’Usipiens, de Mattiaques, qui, rassasiés de butin, s’étaient retirés, non toutefois sans perte : comme ils marchaient épars, nos soldats les avaient surpris et battus. De leur côté, les Trévires avaient fermé leurs frontières d’une enceinte palissadée, et ils soutenaient contre les Germains une lutte ou beaucoup de sang coula de part et d’autre, jusqu’au jour où de si beaux titres à la reconnaissance du peuple romain furent souillés par la rébellion.

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Cependant le consulat de Titus et le second de Vespasien s’ouvrirent en leur absence, au milieu de la tristesse et des alarmes de Rome, qui aux maux réels ajoutait le tourment des peurs chimériques. L’Afrique, disait-on, était soulevée, et la révolution avait pour chef L. Pison, gouverneur de la province. Cet homme n’était rien moins qu’un esprit turbulent ; mais les tempêtes de l’hiver interrompant la navigation, le peuple, qui achète chaque jour les aliments de chaque jour, et pour qui le seul intérêt politique est celui des vivres, s’imagina que les ports étaient fermés, les convois retenus,