Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/607

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de l’autre les moins nombreux et les plus forts, combattirent avec toute l’opiniâtreté de la haine. La journée se consuma en querelles.

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A la séance suivante, Domitien recommanda l’oubli des injures et des ressentiments, alléguant les nécessités d’un temps malheureux. Mucien alors opina longuement pour les accusateurs ; puis, s’adressant à ceux qui renouvelaient des poursuites interrompues, il leur donna des conseils adoucis et déguisés sous la forme de prières. L’essai de liberté qu’avait hasardé le sénat finit à ce premier signe d’opposition. Mucien, pour que le vœu de ce corps ne parût pas dédaigné, ni l’impunité acquise à tous les crimes commis sous Néron, rendit à l’exil deux sénateurs qui en étaient sortis, Octavius Sagitta et Antistius Sosianus, et les fit rentrer dans leurs îles. Octavius, lié d’un commerce illégitime avec Pontia Postumia, l’avait tuée dans un transport de jalousie, parce qu’elle refusait de l’épouser. Antistius était un méchant dont les noirceurs avaient fait de nombreuses victimes. Tous deux, condamnés par la justice du sénat et chassés en exil, continuèrent à subir leur peine, malgré le rappel des autres. Mucien n’en fut pas moins l’objet de la haine publique : Sosianus et Sagitta n’étaient rien, quand même ils seraient revenus ; les talents des accusateurs, leurs richesses, leur puissance exercée à mal faire, inspiraient la terreur.

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Un procès, instruit dans le sénat suivant les anciennes formes, réconcilia pendant quelque temps les esprits divisés. Un sénateur, Manlius Patruitus, se plaignait "d’avoir été frappé à Sienne dans un rassemblement populaire et par ordre des magistrats. C’était peu de cette violence : on l’avait entouré, vivant et en personne, de deuil, de lamentations, de tout l’appareil d’une pompe funèbre, avec mille invectives et mille outrages qui s’adressaient au sénat tout entier." On cita les accusés ; l’affaire instruite et les coupables convaincus, justice en fut faite. Un sénatus-consulte rappela en outre le peuple de Sienne au respect de l’ordre. Dans ces mêmes jours Antonins Flamma, poursuivi par les Cyrénéens, fut condamné comme concussionnaire. L’exil fut ajouté aux peines de la loi, à cause de ses cruautés.

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Sur ces entrefaites éclata presque une sédition militaire. Les corps licenciés par Vitellius, reformés pour Vespasien, redemandaient leur place parmi les cohortes prétoriennes. Des légionnaires désignés pour le même service réclamaient