Aller au contenu

Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/614

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

car la ville, en son nom public, était fort éloignée d’une telle entreprise. Quelques Ubiens et quelques Tongres assistèrent cependant à la réunion. Mais les Trévires et les Lingons y dominaient. Ils ne purent supporter les longueurs d’une délibération. Ils s’écrient à l’envi "que le peuple romain est possédé de la rage des discordes, ses légions taillées en pièces, l’Italie ravagée ; qu’en cet instant même on prend la ville ; que chaque armée a sa guerre à soutenir ; que si l’on garde les Alpes avec main-forte, les Gaules, assurées de la liberté, n’auront plus qu’à voir quelles limites elles veulent donner à leur puissance."

56

Ce conseil fut accueilli aussitôt que proposé. On ne fut indécis que sur les restes de l’armée vitellienne. La plupart voulaient qu’on tuât ces hommes turbulents, sans foi, souillés du sang de leurs généraux. Les raisons de les épargner prévalurent. On craignit que le désespoir n’irritât leur opiniâtreté : "Pourquoi ne pas les gagner plutôt à la cause commune ? Il suffisait de mettre à mort les commandants des légions ; la foule des soldats accourrait d’elle-même, poussée par la conscience de ses crimes et l’espoir de l’impunité." Telle fut cette première délibération ; et des émissaires partirent aussitôt pour soulever les Gaules. Quant aux chefs, ils affectèrent la soumission, afin de prendre Vocula plus au dépourvu. Vocula n’en fut pas moins averti du complot ; mais il manquait de forces pour le réprimer, n’ayant que des légions incomplètes et dont il n’était pas sûr. Entre des soldats suspects et des ennemis cachés, il crut que le meilleur parti était de dissimuler à son tour, et d’employer les mêmes ruses dont on s’armait contre lui : il descendit à Cologne. Là vint se réfugier, après avoir corrompu ses gardiens, Claudius Labéo, ce Batave arrêté par Civilis et mis à l’écart chez les Frisons. Il promit, si on lui donnait des forces, d’aller chez les Bataves et de ramener à l’alliance des Romains la plus grande partie de ce peuple. Il reçut un petit corps d’infanterie et de cavalerie, et, sans rien oser auprès des Bataves mêmes, il entraîna aux armes quelques-uns des Nerviens et des Bétasiens29. Il fit aussi à la dérobée, chez les Canninéfates et les Marsaques30, des incursions qui ne méritent pas le nom de guerre. Vocula, trompé par les artifices des Gaulois, marche à l’ennemi.

29. Les Betasii, limitrophes des Nervii et de Tungri, occupaient une partie de ce qu’on nomme aujourd’hui le Brabant.
30. Peuple voisin des Canninéfates, dans la partie du pays des Bataves qui est aujourd’hui la Nord-Hollande.

57

Il