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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/657

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souvent on en vit, sauvés du combat, s’étrangler eux-meures pour finir leur opprobre.

VII. Dans le choix des rois, ils ont égard à la naissance ; dans celui des généraux, à la valeur : et les rois n’ont point une puissance illimitée ni arbitraire ; les généraux commandent par l’exemple plus que par l’autorité. S’ils sont actifs, toujours en vue, toujours au premier rang, l’admiration leur assure l’obéissance. Du reste, punir, emprisonner, frapper même n’est permis qu’aux prêtres ; ainsi les châtiments perdent leur amertume, et ils semblent ordonnés, non par le chef, mais par le dieu que ces peuples croient présider aux batailles. Ils ont des images et des étendards qu’ils tirent de leurs bois sacrés et portent dans les combats. Mais le principal aiguillon de leur courage, c’est qu’au lieu d’être un assemblage formé par le hasard, chaque bande d’hommes à cheval, chaque triangle d’infanterie, est composé de guerriers unis par les liens du sang et de la famille. Et les objets de leur tendresse sont près d’eux ; ils peuvent entendre les hurlements plaintifs de leurs femmes, les cris de leurs enfants : ce sont là pour chacun les témoins les plus respectables, les plus dignes panégyristes. On rapporte ses blessures à une mère, à une épouse ; et celles-ci ne craignent pas de compter les plaies, d’en mesurer la grandeur. Dans la mêlée, elles portent aux combattants de la nourriture et des exhortations.

VIII. On a vu, dit-on, des armées chancelantes et à demi rompues, que des femmes ont ramenées à la charge par l’obstination de leurs prières, en présentant le sein aux fuyards, en leur montrant devant elles la captivité, que les Germains redoutent bien plus vivement pour leurs femmes que pour eux-mêmes. Ce sentiment est tel, que les cités dont la foi est le mieux assurée sont celles dont on a exigé, parmi les otages, quelques filles de distinction. Ils croient même qu’il y a dans ce sexe quelque chose de divin et de prophétique : aussi ne dédaignent-ils pas ses conseils, et font-ils grand cas de ses prédictions. Nous avons vu, sous Vespasien, Véléda honorée de la plupart comme une divinité. Plus anciennement, Aurinie et beaucoup d’autres reçurent leurs adorations ; et ce n’était point flatterie : ils ne s’imaginaient pas faire des déesses.

IX. Parmi les dieux, le principal objet de leur culte est Mercure, auquel ils croient devoir à certains jours immoler des victimes humaines. Ils apaisent Hercule et Mars par des offrandes moins barbares. Une partie des Suèves sacrifie aussi