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MŒURS DES GERMAINS.

à Isis. Je ne trouve ni la cause ni l’origine de ce culte étranger. Seulement la figure d’un vaisseau, qui en est le symbole, annonce qu’il leur est venu d’outre-mer. Emprisonner les dieux dans des murailles, ou les représenter sous une forme humaine, semble aux Germains trop peu digne de la grandeur céleste. Ils consacrent des bois touffus, de sombres forêts ; et, sous les noms de divinités, leur respect adore dans ces mystérieuses solitudes ce que leurs yeux ne voient pas.

X. Il n’est pas de pays où les auspices et la divination soient plus en crédit. Leur manière de consulter le sort est très simple : ils coupent une baguette à un arbre fruitier, et la divisent en plusieurs morceaux qu’ils marquent de différents signes, et qu’ensuite ils jettent pêle-mêle sur une étoffe blanche. Le prêtre de la cité, si c’est l’État qui consulte, le père de famille lui-même, si ce sont des particuliers, invoque les dieux, et, regardant le ciel, il lève trois fois chaque morceau, et fait son pronostic d’après le signe dont il est empreint. Si le sort veut qu’on s’abstienne, on ne consulte plus de tout le jour sur la même affaire ; s’il permet d’agir, on exige encore que les auspices confirment sa réponse : car on sait aussi, chez ces peuples, interroger le chant et le vol des oiseaux. Un usage qui leur est particulier, c’est de demander même aux chevaux des présages et des révélations. L’État nourrit, dans les bocages et les forêts dont j’ai parlé, des chevaux blancs que n’avilit jamais aucun travail profane. On les attelle au char sacré, et le prêtre, avec le roi ou le chef de la cité, les accompagne en observant leurs hennissements et le bruit de leurs naseaux. Il n’est pas d’augure plus décisif, non seulement pour le peuple, mais pour les grands, mais pour les prêtres, qui croient que ces animaux sont les confidents des dieux, dont eux ne sont que les ministres. Ils emploient encore une autre espèce de divination, quand ils veulent connaître quel sera le succès d’une grande guerre. Ils se procurent, de quelque manière que ce soit, un prisonnier de la nation ennemie, et, le mettant aux prises avec un guerrier choisi parmi eux, ils les font battre chacun avec les armes de son pays. La victoire de l’un ou de l’autre est regardée comme un pronostic.

XI. Les petites affaires sont soumises à la délibération des chefs ; les grandes à celle de tous. Et cependant celles mêmes dont la décision est réservée au peuple sont auparavant discutées par les chefs. On se rassemble, à moins d’un événement subit et imprévu, à des jours marqués, quand la lune est nou-