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MŒURS DES GERMAINS.

nommés dans leur langue. Quant à l’automne, ils en ignorent également le nom et les présents.

XXVII. Nul faste dans leurs funérailles : seulement on observe de brûler avec un bois particulier le corps des hommes illustres. On n’entasse sur le bûcher ni étoffes ni parfums ; on n’y met que les armes du mort ; quelquefois le cheval est brûlé avec son maître. On dresse pour tombeau un tertre de gazon : ces pompeux monuments que l’orgueil élève à grands frais leur sembleraient peser sur la cendre des morts. Ils donnent peu de temps aux lamentations et aux larmes, beaucoup à la douleur et aux regrets : ils croient que c’est aux femmes de pleurer, aux hommes de se souvenir. Voilà ce que j’ai appris sur l’origine et les mœurs des Germains en général. Je vais parler maintenant des institutions et des coutumes particulières aux différentes nations, et dire quels peuples sont passés de la Germanie dans les Gaules.

XXVIII. Le meilleur de tous les garants, Jules César, témoigne que les Gaules eurent leur époque de supériorité, et l’on peut croire que des Gaulois passèrent aussi en Germanie. Une simple rivière eût-elle empêché la nation dominante de changer de demeures et d’aller occuper des terres ouvertes, où aucun royaume n’avait encore affermi sa puissance et tracé ses limites ? C’est ainsi qu’entre la forêt Hercynienne, le Rhin et le Mein, s’établirent les Helvétiens et plus loin les Boïens, sortis comme eux de la Gaule. Le nom de Bohême subsiste encore, comme un vieux souvenir de leur séjour, quoique le pays ait changé d’habitants. Mais les Aravisques de Pannonie sont-ils une colonie d’Oses[1], peuple germanique, ou les Oses sont-ils des Aravisques transplantés en Germanie ? la conformité de langage, d’institutions, de mœurs, laisse la chose en doute ; d’autant plus que, également pauvres, également libres, ils trouvaient des deux côtés du Danube mêmes biens et mêmes maux. Les Trévires et les Nerviens[2] sont les premiers à se dire issus des Germains, et à s’en faire honneur, comme d’une origine dont la gloire les sépare des Gaulois et

  1. Tacite, au chap. xliii, dit positivement que les Oses sont de race pannonienne ; on ne sait rien de plus de cette peuplade. Quant aux Aravisques, Pline les place sur les bords de la Drave et de la Save, en Pannonie.
  2. Les premiers, comme le nom même l’indique, occupaient le pays de Trèves et s’étendaient de la Meuse jusqu’au Rhin. Les autres habitaient la partie de la Gaule Belgique où sont aujourd’hui Cambrai et Tournai.