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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/670

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MŒURS DES GERMAINS.

n’a désormais rien de plus à nous offrir que les discordes de l’ennemi.

XXXIV. Les Angrivariens et les Chamaves ont derrière eux les Dulgibins, les Chasuares[1] et d’autres nations peu connues ; par devant ils s’appuient sur les Frisons[2]. On divise les Frisons en grands et petits, selon la force de leurs cités. Leur pays est bordé par le Rhin et va jusqu’à la mer, embrassant des lacs immenses, où naviguèrent aussi des flottes romaines. Nous avons même tenté par cet endroit les routes de l’Océan, et la renommée a publié qu’il existait dans ces régions d’autres colonnes d’Hercule ; soit qu’en effet Hercule ait visité ces lieux, ou que nous soyons convenus de rapporter à sa gloire tout ce que le monde enferme de merveilles. L’audace ne manqua pas à Drusus Germanicus ; mais l’Océan protégea les secrets d’Hercule et les siens. Depuis, nul n’a tenté ces recherches : on a jugé plus discret et plus respectueux de croire aux œuvres des dieux que de les approfondir.

XXXV. Nous venons de voir la Germanie à l’occident : ici par un grand détour elle remonte vers le nord. La première nation qu’on rencontre est celle des Cauques[3]. Quoiqu’elle commence aux Frisons et occupe une partie du rivage, elle borde néanmoins toutes celles que j’ai nommées, et atteint, en se repliant, jusqu’aux frontières des Gattes. Et cet espace immense, les Cauques ne le possèdent pas seulement, ils le remplissent. C’est la plus noble des nations germaniques, la seule qui fasse de la justice le soutien de sa grandeur. Exempts de cupidité et d’ambition, tranquilles et renfermés chez eux, ils ne provoquent aucune guerre, n’exercent ni rapines ni brigandages. La meilleure preuve de leur courage et de leurs forces, c’est que, pour jouir de la prééminence, ils n’ont pas besoin d’injustices. Chacun a cependant ses armes toujours prêtes, et au besoin des armées se rassemblent. Ils abondent en hommes et en chevaux ; et le repos n’ôte rien à leur renommée.

XXXVI. A côté des Cauques et des Cattes, les Chérusques[4]

  1. Sur les bords du Véser et près des sources de la Lippe.
  2. Les Frisons étaient compris entre l’Océan au nord, le Rhin à l’ouest, et l’Ems au levant. Les lacs autour desquels ils habitaient sont ceux qui, s’étant agrandis et réunis, ont formé le Zuyderzée.
  3. Les Cauques bordaient l’Océan depuis l’embouchure de l’Ems jusqu’à celle de l’Elbe.
  4. Entre le Véser, l’Aller, et la Leine.