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MŒURS DES GERMAINS.

un Ventidius mit l’Orient sous ses pieds. Cependant les Germains, par la défaite ou la prise de Carbon, de Cassius, de Scaurus, de Cépion, de Manlius, enlevèrent au peuple romain cinq armées consulaires ; ils enlevèrent à l’empereur Auguste Varus avec trois légions : et ce ne fut pas impunément que Marius leur porta de si rudes coups en Italie, Jules César en Gaule, Drusus, Tibère et Germanicus dans leurs propres foyers. Vinrent ensuite les prodigieuses menaces de Caïus et leur issue ridicule ; puis un repos qui dura jusqu’au moment où, profitant de nos discordes et de nos guerres civiles, ces peuples forcèrent les camps de nos légions, et entreprirent jusque sur les Gaules. Ils en furent repoussés ; et dans ces derniers temps on a triomphé d’eux plutôt qu’on ne les a vaincus.

XXXVIII. Il faut parler maintenant des Suèves[1], qui ne sont pas, comme les Cattes ou les Tenctères, une seule et unique peuplade. Ils occupent la plus grande partie de la Germanie, et sont divisés en plusieurs nations, dont chacune a conservé son nom, quoiqu’elles reçoivent toutes le nom commun de Suèves. Une coutume particulière à ces peuples, c’est de retrousser leurs cheveux et de les attacher avec un nœud : ainsi se distinguent les Suèves des autres Germains, et, parmi les autres Suèves, l’homme libre de l’esclave. Si des liaisons de famille avec eux, et souvent le seul esprit d’imitation, ont propagé cet usage dans les autres cités, il y est rare et cesse avec la jeunesse. Chez les Suèves, on continue jusqu’à la vieillesse de ramener cette chevelure hérissée, que souvent on lie tout entière au sommet de la tête. Les chefs y mettent quelque recherche ; c’est la seule qu’ils connaissent, et celle-la est innocente ; leur pensée n’est point d’aimer ou d’être aimés ; ils ne veulent que se donner une taille plus haute et un air plus terrible : avant d’aller en guerre, ils se parent comme pour les yeux de l’ennemi.

XXXIX. Les Semnones[2] se disent les plus anciens et les plus nobles des Suèves. La religion du pays fait foi de leur antiquité. Ils ont une forêt consacrée dès longtemps par les au-

  1. Tacite étend le nom de Suèves à tous les peuples qui demeuraient entre l’Elbe et l’Oder, et même à ceux de la Scandinavie. (Malte-Brun.)
  2. Les Semnones habitaient, selon Cluvier, entre l’Elbe, l’Oder, la Vartha et la Vistule, et occupaient ainsi une partie du Brandebourg, de la Silésie, de la Saxe, de la Misnie.