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vie de cn. julius agricola.

rivage en rivage, infestaient alors la côte d’Intémélium[1], en Ligurie, massacrèrent la mère d’Agricola dans ses domaines, et les pillèrent, ainsi qu’une grande partie de son patrimoine, seule cause de sa mort. En allant lui rendre les devoirs de la piété filiale, Agricola fut surpris dans sa route par la nouvelle que Vespasien venait de déclarer ses prétentions à l’empire : aussitôt il embrassa le parti de ce chef. Domitien, très-jeune encore, ne cherchait dans la fortune de son père que le droit d’en abuser. Mucien, qui dirigeait les commencements du nouveau règne et les affaires de Rome, avait chargé Agricola de lever des troupes : pour prix de son zèle et de son désintéressement dans cette mission, il le mit à la tête de la vingtième légion, qui avait été tardive à prêter serment, et où l’on reprochait à son prédécesseur d’entretenir l’esprit de révolte. La vérité est que cette légion était indocile, et redoutable même pour les généraux ; et, si son commandant ne pouvait la contenir, on ignore à qui en était la faute, de lui ou des soldats. Choisi tout à la fois pour lui succéder et pour punir, Agricola, par une modération très-rare, aima mieux paraître avoir trouvé la légion dans le devoir que l’y avoir ramenée.

VIII. Vectius Bolanus gouvernait alors la Bretagne, plus pacifiquement que ne méritent des peuples intraitables. Agricola contint sa propre force et modéra son ardeur, afin de ne pas faire ombrage : il savait condescendre à propos, et il avait appris à concilier l’utile avec l’honnête. Bientôt la Bretagne reçut pour lieutenant consulaire Pétilius Cérialis. Alors les vertus purent se signaler en toute liberté. Et d’abord, associé seulement aux travaux et aux périls, Agricola le fut bientôt à la gloire : souvent, pour l’essayer, Cérialis lui confiait une partie de l’armée ; quelquefois, décidé par la réussite, il lui donnait des troupes plus nombreuses. Et jamais Agricola ne tira vanité de ses exploits : il rapportait les succès au général, comme au chef dont il n’était que le ministre. C’est ainsi que, obéissant avec dévouement, racontant avec modestie, il était sans envieux et n’était pas sans gloire.

IX. A son retour de ce commandement, Vespasien le mit au nombre des patriciens, et lui donna le gouvernement de l’Aquitaine, dignité des plus considérables, et par l’importance des fonctions, et parce qu’elle menait au consulat celui

  1. Vintimille.