Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/719

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Virgile, m’enlevant aux inquiétudes, aux soucis, à la nécessité de faire tous les jours quelque chose contre mon gré, me portent dans leurs vallons sacrés, au bord de leurs fontaines. Là je n’essuierai plus, pâle et tremblant adorateur de la renommée, les clameurs insensées d’un Forum orageux ; là une foule impatiente de saluer mon réveil ou un affranchi hors d’haleine ne viendront plus m’arracher au repos ; je ne chercherai pas, dans un testament servile, une assurance contre l’avenir ; je ne posséderai point de si grands biens que je ne puisse les laisser à qui je voudrai, quand la nature amènera pour moi l’heure suprême ; et alors, si mon image est placée sur ma tombe, mon front ne sera point triste et mécontent, mais riant et couronné de fleurs ; et personne après moi ne demandera pour ma mémoire ni justice ni grâce. »

XIV. A peine Maternus avait achevé ces mots, avec l’accent de l’enthousiasme et de l’inspiration, que Vipstanus Messala entra dans sa chambre. A l’attention peinte sur les visages, il soupçonna qu’on s’entretenait de matières sérieuses. « Ne serais-je pas dit-il, venu mal à propos interrompre une conférence secrète, où vous concertez peut-être le plan de quelque défense ? — Non, non, dit Sécundus ; je voudrais même que vous fussiez venu plus tôt. Vous auriez eu du plaisir à entendre Aper, dans une allocution parfaitement belle, exhorter Maternus à tourner uniquement vers la plaidoirie son talent et ses études, et Maternus défendre son art de prédilection, comme les vers doivent être défendus, avec un éclat et une hardiesse de langage qui le rapprochaient du poète plus que l’orateur. — Assurément, dit Messala, j’aurais pris un plaisir infini à ces discours, et ce qui ne m’en fait pas moins, c’est de voir des hommes tels que vous, l’élite des citoyens et les orateurs de notre époque, non contents de déployer leur génie dans les débats judiciaires et les exercices du cabinet, y joindre encore ces discussions qui nourrissent l’esprit et offrent un savant et agréable délassement aux témoins comme aux acteurs de ces disputes érudites. Aussi est-il vrai de dire, Sécundus, que votre Vie de Julius Asiaticus, en faisant espérer de vous d’autres ouvrages du même genre, ne vous attire pas moins d’approbation que n’en reçoit Aper pour n’avoir pas renoncé jusqu’ici aux controverses de l’école, et pour avoir mieux aimé employer ses loisirs à la manière des rhéteurs modernes qu’à celle des anciens orateurs.

XV. — Vous ne cessez, Messala, dit alors Aper, d’admirer ex-