Page:Taillasson - Observations sur quelques grands peintres, 1807.djvu/44

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bizarre que le Christ, la Vierge et les Apôtres, faisant bonne chère, menant joyeuse vie avec les moines, les poëtes, les musiciens du temps de Paul Véronèse, avec un roi de France, avec le grand turc ? Sans doute il a pensé que d’un festin à la vénitienne, il pouvoit faire les Noces de Cana, en habillant certains convives avec de certaines couleurs, en entourant de rayons une tête assez commune placée au milieu de l’assemblée : il a fait comme ces peintres de portraits, qui imaginent avoir donné la divinité et les grâces de Vénus à une bonne bourgeoise de Paris, en plaçant à son côté monsieur son fils, avec des ailes sur le dos. Au surplus, grâces soient rendues à Paul Véronèse de ce qu’il ne s’est pas occupé des pauvres Hébreux et de son sujet ; avec d’aussi louables intentions il n’auroit pas si bien rendu ces riches et galans Vénitiens que personne n’a fait comme lui. Jouissons du plaisir d’admirer les belles choses qui sont dans ce tableau, sans dire avec Horace, non erat hic locus, et sans nous occuper du sujet. En tout cas, ce n’est pas sa faute, si nous nous en souvenons ; il a bien fait tout ce qu’il a pu pour que nous n’y pensions pas.

D’autres peintres nous ont offert les peuples