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LE RÉGIME MODERNE


« mois. » Toutes les heures de la journée ont leur emploi prescrit ; tous les exercices, y compris les pratiques religieuses, y sont imposés, chacun à sa place et à son moment, avec détail et minutie, comme de parti pris, pour fermer à l’initiative personnelle toutes les issues possibles et pour substituer partout aux diversités individuelles l’uniformité mécanique. « Les principaux devoirs des élèves sont le respect pour la religion, l’attachement au souverain et au gouvernement, une application soutenue, une régularité constante, la docilité et la soumission envers leurs supérieurs : quiconque manque à ces devoirs est puni suivant la gravité de la faute. » — En 1812[1], l’École est encore petite, à peine installée, logée dans les combles du lycée Louis-le-Grand, composée de quarante élèves et de quatre maîtres. Mais Napoléon a les yeux sur elle, et s’informe, de ce qu’on y fait : il n’aime pas qu’on y commente le Dialogue de Sylla et d’Eucrate par Montesquieu, l’Éloge de Marc-Aurèle par Thomas, les Annales de Tacite : « Que la jeunesse lise plutôt les Commentaires de César… Corneille, Bossuet, voilà les

  1. Villemain, Souvenirs contemporains, I, 137 à 156 (Une visite à l’École Normale en 1812, paroles de Napoléon à M. de Narbonne). « Tacite est un sénateur mécontent, un boudeur d’Auteuil, qui se venge, la plume à la main, dans son cabinet : il a des rancunes d’aristocrate et de philosophe tout à la fois… Marc-Aurèle, c’est une sorte de Joseph II, et, dans de plus grandes proportions, philanthrope et sectaire, en commerce avec les sophistes, les idéologues du temps, les flattant, les imitant… J’aime mieux Dioclétien. » — « … L’éducation publique, c’est l’avenir et la durée de mon œuvre, après moi. »