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L’ÉCOLE


enfin, à trente-cinq ans, revenir à Paris, muni des plus beaux titres, architecte du gouvernement, et avec l’ambition de bâtir des édifices, sans avoir collaboré, en second ou même en troisième, à la construction effective d’une seule maison. — Aucun de ces hommes si savants ne sait son métier, et chacun d’eux, à cette heure tardive, est tenu de s’improviser praticien[1], comme il peut, en toute hâte, trop vite, à travers beaucoup de mécomptes, à ses dépens, aux dépens des autres ; et avec des risques graves pour les premières œuvres qu’il conduit.

Avant 1789, dit un témoin de l’ancien régime et du régime moderne[2], les jeunes Français ne dépensaient point ainsi leur jeunesse. Au lieu de piétiner si longtemps aux abords d’une carrière, ils y étaient introduits de très bonne heure, et tout de suite ils se mettaient à y courir. Avec un bagage fort mince et lestement acquis, « on entrait à seize ans et même à quinze ans dans le militaire, à quatorze ans dans la marine », un peu plus tard dans les armes spéciales, artillerie ou génie. Dans la magistrature, à dix-neuf ans, le fils d’un conseiller maître au parlement était conseiller adjoint,

  1. À la Faculté de Médecine, l’apprentissage pratique est moins retardé : les futurs docteurs, à partir de la troisième année d’études, font, pendant deux ans, « un stage hospitalier » qui est chaque année de dix mois, ou 284 jours de service, dans un hôpital, et un « stage obstétrical » qui est d’un mois. Plus tard, à l’entrée des concours qui conduisent au titre de médecin ou chirurgien des hôpitaux, et d’agrégé de la Faculté, la préparation théorique sévit comme dans les autres carrières.
  2. Souvenirs inédits, par le chancelier Pasquier (Écrits en 1843).