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L’ANCIEN RÉGIME


centre, arbitraire, exceptions et faveurs partout, tel est le résumé du système. « Subdélégués, officiers d’élections, directeurs, receveurs et contrôleurs des vingtièmes, commissaires et collecteurs des tailles, officiers des gabelles, voituriers-buralistes, huissiers, piqueurs des corvées, commis aux aides, au contrôle, aux droits réservés, tous ces hommes de l’impôt, chacun selon son caractère, assujettissent à leur petite autorité et enveloppent de leur science fiscale des contribuables ignorants et inhabiles à reconnaître si on les trompe[1]. » Une centralisation grossière, sans contrôle, sans publicité, sans uniformité, installe sur tout le territoire une armée de petits pachas qui décident comme juges les contestations qu’ils ont comme parties, règnent par délégation, et, pour autoriser leurs grappillages ou leurs insolences, ont toujours à la bouche le nom du roi, qui est obligé de les laisser faire. — En effet, par sa complication, son irrégularité et sa grandeur, la machine échappe à ses prises. Un Frédéric II levé à quatre heures du matin, un Napoléon qui dicte une partie de la nuit dans son bain et travaille dix-huit heures par jour, y suffiraient à peine. Un tel régime ne

  1. « On a entendu le financier dire au citoyen : Il faut que la ferme ait des grâces à vous accorder, il faut que vous soyez obligé de venir les demander. — Celui qui paye ne peut jamais savoir ce qu’il doit. Le fermier est souverain législateur dans les matières qui font l’objet de son intérêt personnel. Toute requête, dans laquelle les intérêts d’une province ou ceux de la nation entière sont stipulés, est regardée comme une témérité punissable si elle est signée d’un seul particulier, et comme une association illicite si elle est signée de plusieurs. » (Malesherbes, ibid.)