va point sans une attention toujours tendue, sans une énergie infatigable, sans un discernement infaillible, sans une sévérité militaire, sans un génie supérieur ; à ces conditions seulement on peut changer vingt-cinq millions d’hommes en automates, et substituer sa volonté partout lucide, partout cohérente, partout présente, à leurs volontés que l’on abolit. Louis XV laisse « la bonne machine » marcher toute seule, et se cantonne dans son apathie. « Ils l’ont voulu ainsi, ils ont pensé que c’était pour le mieux[1] », telle est sa façon de parler « quand les opérations des ministres n’ont pas réussi ». — « Si j’étais lieutenant de police, disait-il encore, je défendrais les cabriolets. » Il a beau sentir que la machine se disloque, il n’y peut rien, il n’y fait rien. En cas de malheur, il a sa réserve privée, sa bourse à part. « Le roi, disait Mme de Pompadour, signerait sans y songer pour un million, et donnerait avec peine cent louis sur son petit trésor. » — Louis XVI essaye pendant un temps de supprimer plusieurs rouages, d’en introduire de meilleurs, d’adoucir les frottements du reste ; mais les pièces sont trop rouillées, trop pesantes ; il ne peut les ajuster, les accorder, les maintenir en place ; sa main retombe impuissante et lassée. Il se contente d’être économe pour lui-même ; il inscrit sur son journal un raccommodage de montre, et laisse la voiture publique, aux mains de Calonne, se charger d’abus nouveaux pour rentrer dans l’an-
- ↑ Mme Campan, Mémoires, I, 13. — Mme du Hausset, Mémoires, 114.