Aller au contenu

Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
196
L’ANCIEN RÉGIME


trône, « le ton est libre, enjoué », et, sous le sourire de la jeune reine, la cour sérieuse et disciplinée de Louis XVI se trouve à la fin du siècle le plus engageant et le plus gai des salons. Par cette détente universelle, la vie mondaine est devenue parfaite. « Qui n’a pas vécu avant 1789, disait plus tard M. de Talleyrand, ne connaît pas la douceur de vivre. » — Elle était trop grande, on n’en goûtait plus d’autre, elle prenait tout l’homme. Quand le monde a tant d’attraits, on ne vit que pour lui.

II

On n’a point de loisir ni de goût pour autre chose, même pour les choses qui touchent l’homme de plus près, les affaires publiques, le ménage, la famille. — J’ai déjà dit que, sur le premier article, ils s’abstiennent et sont indifférents ; locale ou générale, l’administration est hors de leurs mains et ne les intéresse plus. Quand on en parle, c’est pour plaisanter ; les plus graves événements ne sont que des matières à bons mots. Après l’édit de l’abbé Terray qui fait une banqueroute de moitié sur la rente, un spectateur trop serré au théâtre s’écrie : « Ah ! quel malheur que notre bon abbé Terray

    digérer le regard de Jupiter Olympien avec lequel Louis XV toisait de la tête aux pieds l’homme présenté, d’un air impassible tandis que si l’on présentait une fourmi à un géant, le géant, l’ayant regardée, sourirait ou dirait peut-être : Oh, quel petit animalcule ! Du moins, s’il se taisait, son visage dirait cela pour lui. » (Alfieri, Memorie, I, 138. — 1768.) Voir dans les Mémoires de Mme d’Oberkirch (II, 349) la leçon donnée par Madame Royale, âgée de sept ans et demi, à une dame présentée.