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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


nuances imperceptibles, depuis l’accompagnement d’une seule épaule qui est presque une impertinence, jusqu’à cette révérence noble et respectueuse que si peu de femmes, même à la cour, savent bien faire, ce plié lent, les yeux baissés, la taille droite, et une manière de se relever en regardant alors modestement la personne et en jetant avec grâce tout le corps en arrière : tout cela plus fin, plus délicat que la parole, mais très expressif comme moyen de respect. » — Ce n’est là qu’une action et très ordinaire ; il y en a cent autres et d’importance : imaginez, s’il est possible, le degré d’élégance et de perfection auquel le savoir-vivre les avait portées. J’en prends une au hasard, un duel entre deux princes du sang, le comte d’Artois et le duc de Bourbon ; celui-ci étant l’offensé, l’autre, son supérieur, était tenu de lui offrir une rencontre[1]. « Dès que M. le comte d’Artois l’a vu, il a sauté à terre, et, allant droit à lui, il lui a dit d’un air souriant : « Monsieur, le public prétend que nous nous cherchons. » — M. le duc de Bourbon a répondu en ôtant son chapeau : Monsieur, je suis ici pour recevoir vos ordres. » — « Pour exécuter les vôtres, a reparti M. le comte d’Artois, il faut que vous me permettiez d’aller jusqu’à ma voiture. » — Il revient avec une épée, le combat commence ; au bout d’un temps, on les sépare, les témoins jugent que l’honneur est satisfait. « Ce n’est pas à moi d’avoir un avis, a repris M. le comte d’Artois ; c’est à

  1. Récit de M. de Besenval, témoin du duel.