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L’ANCIEN RÉGIME


à tout le moins d’expansion et de facilité. Pour la première fois, on voit des femmes accompagner leur mari en garnison ; des mères veulent nourrir, des pères s’intéressent à l’éducation de leurs enfants. La simplicité rentre dans les manières. On ne met plus de poudre aux petits garçons ; nombre de seigneurs quittent les galons, puis les broderies, les talons rouges et l’épée, sauf lorsqu’ils sont en grand habit. On en rencontre dans les rues « vêtus à la Franklin, en gros drap, avec un bâton noueux et des souliers épais[1] ». Le goût n’est plus aux cascades, aux statues, aux décorations raides et pompeuses ; on n’aime que les jardins anglais. La reine s’arrange un village à Trianon, où, « vêtue d’une robe de percale blanche et d’un fichu de gaze, coiffée d’un chapeau de paille », elle pêche dans le lac et voit traire ses vaches. L’étiquette tombe par lambeaux, comme un fard qui s’écaille, et laisse reparaître la vive couleur des émotions naturelles. Madame Adélaïde prend un violon et remplace le ménétrier absent pour faire danser des paysannes[2]. La duchesse de Bourbon sort le matin incognito pour faire l’aumône et « chercher des pauvres dans leurs greniers ». La Dauphine se jette à bas de son carrosse pour secourir un postillon blessé, un paysan que le cerf a renversé. Le roi et le comte d’Artois aident un charretier embourbé à dégager

  1. Mme d’Oberkirch, II, 55 (1783-1784). — Mme Campan, III, 371. — Mercier, Tableau de Paris, passim.
  2. Correspondance, par Metra. XVII, 55 (1784). — Mme d’Oberkirch, II, 254. — Marie-Antoinette, par Arneth et Geffroy, II, 29, 63.