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L’ÉGLISE


taires, des indociles et des indépendants, rigoristes ou relâchés, les uns jansénistes consciencieux, constitutionnels endurcis et sectaires de la « Petite Église », les autres demi-philosophes, tolérants et libéraux, les uns et les autres héritiers de convictions trop étroites ou d’opinions trop larges pour subsister et se propager dans le milieu qui s’établit[1]. Ils meurent, un à un, et leurs doctrines tombent dans le discrédit, puis dans l’oubli ; un nouvel esprit anime le nouveau clergé, et dès 1808 Napoléon en fait la remarque : « Il ne se plaint pas de l’ancien, et même il en est assez content ; mais, dit-il, on élève les nouveaux prêtres dans une doctrine sombre, fanatique : il n’y a rien de gallican dans le jeune clergé[2] », aucune sympathie pour

    département du Doubs, X, 720 à 771 (État détaillé et nominatif de tout leur personnel ecclésiastique du diocèse de Besançon, en 1801 et 1802, sous l’archevêque Lecoz, ancien assermenté). — Pendant tout l’Empire et surtout à partir de 1806, ce clergé mixte va s’épurant. D’ailleurs un assez grand nombre d’assermentés ne sont pas rentrés dans l’Église ; ils n’ont pas voulu se rétracter ; nombre d’entre eux sont entrés dans l’Université nouvelle. Par exemple (Vie du cardinal de Bonnechose, par Mgr Besson, I, 24), au collège de Rouen, en 1815-1816, les principaux professeurs étaient un ancien capucin, un ancien oratorien, et trois prêtres assermentés. L’un d’eux, M. Nicolas Bignon, docteur ès lettres, professeur de grammaire générale en l’an IV à l’École centrale, puis professeur de rhétorique au lycée, membre de l’Académie de Rouen, « vivait en philosophe, non en chrétien, encore moins en prêtre ». Naturellement, il est destitué en 1816 ; à partir de cette date, l’épuration s’accélère contre tous les ecclésiastiques suspects d’avoir pactisé avec la Révolution, libéraux et jansénistes.

  1. Cf. les Mémoires de l’abbé Bâton, évêque nommé de Séez, sur les difficultés d’un évêque trop gallican et sur la malveillance qu’il rencontre dans l’aristocratie locale de son diocèse.
  2. Mémorial, 31 juillet 1816.