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LE RÉGIME MODERNE


est son corps ; d’autant plus que cette mutuelle attache vient d’être fortifiée par l’épreuve. Tête et corps ont été frappés ensemble par les mêmes mains, et chacun d’eux à cause de l’autre. Le pape a souffert comme l’Église, avec elle et pour elle : Pie VI, détrôné et déporté par le Directoire, est mort en prison à Valence ; Pie VII, détrôné et enlevé par Napoléon, a été enfermé, séquestré et violenté pendant quatre ans en France, et les cœurs généreux prennent parti pour l’opprimé contre ses oppresseurs. Bien mieux, sa dépossession ajoute à son prestige : on ne peut plus prétendre que l’intérêt territorial prévaut en lui sur l’intérêt catholique ; partant, à mesure que son pouvoir temporel diminue, son autorité spirituelle grandit, tellement qu’à la fin, après trois quarts de siècle, juste au moment où le premier tombera par terre, la seconde montera au-dessus des nues ; c’est que, par l’effacement de son caractère humain, son caractère surhumain se dégage ; plus le prince souverain disparaît, plus le souverain pontife apparaît. Dépouillé comme lui de son patrimoine héréditaire, et confiné comme lui dans son office sacerdotal, exposé aux mêmes dangers, menacé, par les mêmes ennemis, le clergé se rallie autour de lui, ainsi qu’une armée autour de son général ; inférieurs et supérieurs, ils sont tous prêtres et ne sont plus que cela, avec une conscience de plus en plus claire de la solidarité qui les lie et subordonne les inférieurs aux supérieurs. De génération en génération ecclésiastique[1], on voit décroître le nombre des réfrac-

  1. Sauzay, Histoire de la persécution révolutionnaire dans le