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LE RÉGIME MODERNE


chœur rentre au logis après l’office, quand le séminariste revient chez ses parents aux vacances, il n’y rencontre pas autant d’influences dissolvantes, l’information variée, la conversation libre, la comparaison des carrières, la préoccupation de l’avancement, l’habitude du bien-être, les sollicitudes maternelles, les haussements d’épaules et le demi-sourire d’un voisin esprit fort ; pierre à pierre et chaque pierre à sa place, sa croyance s’édifie et s’achève, sans incohérence dans la structure, sans disparates dans les matériaux, sans porte à faux latents. On l’a pris tout petit, avant douze ans ; son curé, invité d’en haut à chercher des sujets, l’a distingué au catéchisme, puis à la première communion[1] ; on constate en lui « le goût de la piété et des cérémonies saintes, un extérieur convenable, un caractère doux, prévenant », des dispositions pour l’étude ; c’est un enfant docile et rangé ; petit acolyte au chœur ou à la sacristie, il s’applique à bien plier la chasuble, toutes ses génuflexions sont correctes, elles ne l’ennuient pas, il n’a pas de peine à se taire, il n’est point soulevé et emporté, comme les autres, par les éruptions de la sève animale et la grossièreté rustique. Si sa cervelle inculte est cultivable, si la grammaire et le latin peuvent y prendre racine, le curé ou le vicaire se chargent de lui à demeure ; il étudie sous eux, gratuitement ou à peu près, jusqu’à la cinquième ou à la quatrième, et alors il entre au petit séminaire.

  1. Lettre circulaire (n° 53) du Mgr Thomas, archevêque de Rouen (1890), 618 et suivantes.