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L’ÉGLISE


prières et lectures, abstinences et méditations, solitude et compagnie, lever, coucher, repas, quantité et qualité de la nourriture, attitudes, saluts, façons, ton et formes du langage, bien mieux, pensées muettes et sentiments intimes. De plus, par la répétition périodique des mêmes actes aux mêmes heures, il s’enferme dans un cycle d’habitudes qui sont des forces, et des forces croissantes, puisqu’elles mettent incessamment dans le même plateau de sa balance intérieure le poids croissant de tout son passé. Par la communauté de l’habitation et de la table, par la prière faite en commun, par le contact incessant des autres religieux de la même observance, par la précaution qu’on a de lui adjoindre un compagnon lorsqu’il sort et deux compagnons quand il réside à part, par ses retours et séjours à la maison mère, il vit dans un cercle d’âmes tendues au même degré, par les mêmes moyens, vers la même fin que lui-même, et dont le zèle visible entretient le sien. — En cet état, la grâce abonde ; on appelle ainsi l’émotion sourde et lente, ou surprenante et brusque, par laquelle le chrétien entre en communication avec le monde invisible ; c’est une aspiration et une attente, un pressentiment et une divination, parfois même une perception nette. Manifestement, cette grâce est à moindre distance, presque à portée, pour les âmes qui par toute la teneur de leur vie, travaillent à l’atteindre ; elles se sont closes du côté de la terre ; partant elles ne peuvent plus regarder et respirer que du côté du ciel.

À la fin du XVIIIe siècle, l’institution monastique n’a-


  le régime moderne, III.
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