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L’ÉGLISE


graciés en masse, mais de telle façon que cette grâce, pur cadeau, non motivé par aucun de nos mérites, demeure toujours conditionnelle et révocable, que, pour quelques-uns seulement, elle est ou devient plénière et définitive, que nul d’entre nous ne peut être sûr de l’avoir telle, que nul d’entre nous ne doit désespérer de l’obtenir telle, et que sa distribution, déterminée là-haut par avance, reste à jamais pour nous un secret d’État. De là les controverses prolongées sur la prédestination, le libre arbitre et le péché originel, les recherches approfondies sur l’homme avant, pendant et après la chute ; de là aussi les solutions adoptées, peu concluantes et même, si l’on veut, contradictoires, mais pratiques, mitoyennes, excellentes pour maintenir les hommes dans la foi et l’obéissance, sous l’autorité ecclésiastique et dogmatique, qui seule a commission pour les conduire dans la voie du salut. — D’autre part, nous sommes obligés envers l’Église ; car elle est une cité, « la cité de Dieu », et, selon la définition romaine, la cité n’est pas un nom abstrait, un terme collectif, mais une chose réelle et positive, « la chose publique », c’est-à-dire un être distinct des générations qui se succèdent en lui, de durée indéfinie et d’espèce supérieure, divin ou presque divin, qui n’appartient pas aux individus et à qui les individus appartiennent, un corps organisé, pourvu d’une forme et d’une structure, fondé sur des traditions, constitué par des lois et régi par un gouvernement. Autorité absolue de la communauté sur ses membres et direction autoritaire de la