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LE RÉGIME MODERNE


communauté par ses chefs, telle est la conception romaine de l’État, et, à plus forte raison, de l’Église : elle aussi, elle est une Rome militante, conquérante, gouvernante, prédestinée à l’empire universel, souveraine légitime comme l’autre, mais avec un titre meilleur : car elle tient le sien de Dieu lui-même. C’est Dieu qui, dès l’origine des choses, l’a préconçue et préparée, qui l’a figurée dans l’Ancien Testament et annoncée par les prophètes ; c’est le fils de Dieu qui l’a établie, qui jusqu’à la fin des siècles ne cessera jamais de la soutenir et de la guider, qui, par son inspiration continue, reste toujours présent en elle et actif par elle. Il lui a commis sa révélation ; seule et par une délégation expresse du Christ, elle a la seconde vue, la connaissance de l’invisible, l’intelligence de l’ordre idéal tel que son fondateur l’a institué et le prescrit, par suite la garde et l’interprétation des Écritures, le droit de formuler les dogmes et les injonctions, d’enseigner et de commander, de régner sur les intelligences et les âmes, de faire les croyances et les mœurs. Désormais la faculté mystique sera endiguée : au fond, elle est la faculté de concevoir l’idéal, d’en avoir la vision, de croire à cette vision et d’agir en conséquence ; plus elle est précieuse, plus il importe de la conduire. Pour la préserver d’elle-même, pour la mettre en garde contre l’arbitraire et les diversités du sens individuel, pour l’empêcher d’extravaguer en théorie ou en pratique, du côté du relâchement ou du rigorisme, un gouvernement est nécessaire. — Que celui-ci soit un legs de l’ancienne Rome, l’Église