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LE RÉGIME MODERNE


ment il y exerce le commandement, comment il a fait de son clergé un régiment discipliné et disponible, en quelle classe de la société il va chercher ses recrues, par quelle préparation et quel entraînement tout prêtre, y compris lui-même, est maintenant un soldat exercé et tenu en haleine ; comment cette armée d’occupation, distribuée en quatre-vingt-dix régiments et composée de cinquante mille prêtres résidents, se complète par des corps spéciaux soumis à une discipline encore plus stricte, par des congrégations monastiques, par quatre ou cinq mille instituts religieux, presque tous laborieux et bienfaisants ; comment, à la subordination et à la correction du clergé séculier, s’ajoute l’enthousiasme et le zèle du clergé régulier, le dévouement entier, la merveilleuse abnégation de trente mille religieux et de cent vingt-sept mille religieuses, comment ce vaste corps, animé par un seul esprit, marche incessamment, avec toute sa clientèle laïque, vers un but, toujours le même, qui est le maintien de sa domination sur toutes les âmes qu’il s’est acquises, et la conquête de toutes les âmes sur lesquelles il n’a pas encore établi sa domination.

Rien de plus choquant pour l’État français ; lui aussi, bâti, comme l’Église, d’après le modèle romain, il est autoritaire et absorbant. Aux yeux de Napoléon, tous ces prêtres qu’il nommait ou agréait, qui lui avaient prêté serment, qu’il payait à l’année et par trimestre, lui appartenaient à double titre, d’abord à titre de sujets, ensuite à titre de commis. Ses successeurs sont encore