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LE RÉGIME MODERNE


que soient leurs impressions, si faux et si mal fondés que soient leurs jugements, ils ont appris quelque chose d’important, et de leur visite il leur reste une idée vraie : c’est que, parmi les divers tableaux du monde, il en est un qui n’est pas peint d’imagination, mais d’après nature.

Or, entre ce tableau et celui que leur représente l’Église catholique, le désaccord est énorme ; même dans les intelligences rudimentaires ou occupées ailleurs, si la dissemblance n’est pas nettement perçue, elle est vaguement sentie ; à défaut de notions scientifiques, les simples ouï-dire épars, entendus à la volée, et qui semblent avoir glissé sur l’esprit comme une ondée sur une roche dure, y subsistent à l’état latent, se rejoignent, s’agglutinent en un bloc et font, à la longue, un sentiment massif, réfractaire, qui s’oppose à la foi. — Chez le protestant, l’opposition n’est ni extrême, ni définitive. Sa foi, qui lui donne l’Écriture pour guide, l’invite à lire l’Écriture dans le texte original, par suite à s’entourer, pour la bien lire, de tous les secours dont on s’aide pour vérifier et entendre un texte ancien, linguistique, philologie, critique, psychologie, histoire générale et particulière ; ainsi la foi prend la science pour auxiliaire. Selon les diverses âmes, le rôle de l’auxiliaire est plus ou moins ample ; il peut donc se proportionner aux facultés et aux besoins de chaque âme, par suite s’étendre indéfiniment, et l’on entrevoit dans le lointain un moment où les deux collaboratrices, la foi éclairée et la science