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L’ÉGLISE


respectueuse, peindront ensemble le même tableau, ou séparément deux fois le même tableau dans deux cadres différents. — Chez les Slaves et les Grecs, la foi, comme l’Église et le rite, est une chose nationale ; le dogme fait corps avec la patrie, on est moins enclin à le contester ; d’ailleurs il est peu gênant : ce n’est qu’une relique héréditaire, un mémorial domestique, une icône de famille, œuvre sommaire d’un art épuisé qu’on ne comprend plus très bien et qui a cessé de produire. Elle est plutôt ébauchée qu’achevée, on n’y a pas ajouté un seul trait depuis le Xe siècle ; voilà huit cents ans que ce tableau repose dans une arrière-chambre de la mémoire, sous des toiles d’araignée aussi vieilles que lui, mal éclairé, rarement visité ; on sait bien qu’il est là, on en parle, avec vénération, on ne voudra jamais s’en défaire, mais on ne l’a pas chaque jour sous les yeux, pour le comparer avec le tableau scientifique. — Tout au rebours pour le tableau catholique : depuis huit cents ans, chaque siècle y a donné des coups de pinceau ; encore aujourd’hui, nous le voyons se faire, sous nos yeux, acquérir un relief plus fort, un coloris plus intense, une harmonie plus rigoureuse, une expression plus saisissante et plus définitive. — Aux articles de foi qui le composent pour l’Église grecque et slave, treize conciles ultérieurs en ont ajouté beaucoup d’autres, et les deux dogmes principaux décrétés par les deux derniers conciles, la Transsubstantiation par celui de Trente, et l’Infaillibilité du pape par celui du Vatican, sont justement les