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LE RÉGIME MODERNE


des célibataires chastes, en qui flotte perpétuellement un rêve indistinct et pur, le rêve d’une famille constituée sans l’intervention du sexe. Aucun culte ne fournit à l’adoration tant d’objets précis, tous les actes, événements, émotions et pensées de trois vies adorables, depuis la naissance jusqu’à la mort et au delà jusqu’aujourd’hui. La plupart des instituts religieux fondés depuis quatre-vingts ans se vouent à la méditation d’une de ces vies, considérée dans un de ses moments ou caractères, pureté, charité, compassion ou justice, conception, nativité, enfance, présence au temple, à Nazareth, à Béthanie, au Calvaire, passion, agonie, assomption, apparition en telle circonstance, en tel endroit et le reste. Sous saint Joseph seul, sous son nom et son patronage, il y a maintenant en France 117 congrégations et communautés de femmes. Parmi tant d’appellations qui sont des consignes spéciales et résument les préférences particulières d’un groupe dévoué, il est un nom significatif : 79 congrégations ou communautés de femmes se sont données au cœur de Marie ou de Jésus ou aux deux ensemble[1]. De cette façon, par delà la dévotion bornée qui s’attache à l’emblème corporel, la piété tendre poursuit et atteint son but suprême, qui est l’entretien silencieux de l’âme, non pas avec l’Infini vague, avec la Toute-Puissance indifférente qui agit par des lois générales, mais avec une personne, avec une personne divine, qui a revêtu l’humanité et ne s’en est pas

  1. Une d’elles a pour titre : « Augustines de l’intérieur de Marie » ; une autre s’est vouée « au Cœur agonisant de Jésus ».