Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
LE RÉGIME MODERNE


chez les 3 autres femmes et chez les 11 autres hommes, la foi n’est que verbale ; s’ils sont encore catholiques, c’est par les dehors, non au dedans.

Par delà ce détachement et cette indifférence, d’autres signes indiquent la désaffection et même l’hostilité. — À Paris, au plus fort de la Révolution, en mai et en juin 1793, boutiquiers, artisans, femmes de la Halle, tout le menu peuple était encore religieux[1], « à genoux dans les rues » quand passait le viatique et devant la châsse de saint Leu promenée en cérémonie, passionné pour son culte et soudainement attendri, « honteux, repentant, les larmes aux yeux », quand, par inadvertance, ses gouvernants jacobins toléraient la publicité d’une procession. Aujourd’hui, parmi les ouvriers, boutiquiers et petits employés de Paris, rien de plus impopulaire que l’Église catholique : deux fois, sous la Restauration et sous le second Empire, elle s’est alliée à un gouvernement répressif, et son clergé est apparu, non seulement comme l’organe efficace, mais encore comme le promoteur central de toute répression. — De là des rancunes accumulées et qui survivent : après 1830, le sac de l’archevêché et de Saint-Germain-l’Auxerrois : en 1871, le meurtre de l’archevêque et des autres otages ecclésiastiques. Pendant les deux années qui ont suivi 1830, un prêtre en soutane n’osait point paraître en public[2] ; il courait risque

  1. La Révolution, VI, 157.
  2. Th.-W. Allies, Journal, etc., 240 (2 août 1848, conversation avec l’abbé Petitot) : « En 1830, les prêtres furent pendant deux