Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
LE RÉGIME MODERNE


seule par sa perpétuité elle peut maintenir l’enseignement dans la voie tracée, élever « d’après des principes fixes » les générations successives, assurer ainsi la stabilité de l’État politique, « inspirer à la jeunesse un esprit et des opinions conformes aux lois nouvelles de l’empire ». Mais cette corporation sera laïque ; ses membres seront « des jésuites[1] » d’État et non d’Église ; ils appartiendront à l’empereur, non au pape, et ils formeront, sous la main du gouvernement, une milice civile, composée « de dix mille personnes environ », administrateurs et professeurs de tout degré, y compris les maîtres d’étude, une milice organisée, cohérente et permanente.

Puisqu’elle est laïque, on n’a pas de prise sur elle par le dogme, la foi, le paradis et l’enfer, par les aiguillons spirituels ; en conséquence, on emploiera les temporels, non moins efficaces, quand on sait les manier, l’amour-propre, l’émulation, l’imagination, l’ambition, l’espoir grandiose et vague de l’avancement indéfini, bref les moyens et les motifs qui déjà dans l’armée maintiennent la consistance et le zèle. « On imitera dans le corps enseignant la classification des grades militaires » ; on y instituera « un ordre d’avancement », une hiérarchie de places ; nul n’arrivera aux supérieures qu’après avoir traversé les inférieures ; « on ne pourra devenir proviseur qu’après avoir

  1. Le mot a été prononcé par Napoléon : « Je veux une corporation, non de jésuites qui aient leur souverain à Rome, mais de jésuites qui n’aient d’autre ambition que celle d’être utiles et d’autre intérêt que l’intérêt public. »