Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/330

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
307
L’ÉCOLE


d’autres, avait poussé des jets si puissants ou si fructueux, s’est desséchée et a fini par avorter ; transplantée en Suisse et en Allemagne, la pédagogie vit encore, mais sur son terrain natal elle est morte[1]. Sur le but, les moyens, les procédés, les degrés, les formes de la culture mentale et morale, il n’y a plus en France de recherches suivies ni de théories fécondes, aucune doctrine en voie de formation et d’application, point de controverses, point de dictionnaires et manuels spéciaux, pas une Revue bien informée et considérable, point de cours publics ; Une science expérimentale n’est que le résumé de beaucoup d’expériences diverses, librement tentées, librement discutées et vérifiées, et, par un effet forcé du monopole universitaire, celles-ci manquent ; entre autres conséquences de l’institution napoléonienne, on pouvait constater, dès 1808, la décadence de la pédagogie et prédire sa fin certaine, à courte échéance. Ni les parents, ni les maîtres, ni les jeunes gens, ne s’en soucient ; hors du système dans lequel ils vivent, ils n’imaginent rien ; ils s’y sont accommodés comme à la maison qu’ils habitent ; Contre la distribution des appartements, la hauteur des étages et l’étroitesse des escaliers, contre les

  1. Un grand personnage universitaire, homme politique et homme du monde, me disait en 1850 : « La pédagogie n’existe pas : il n’y a que des procédés personnels que chacun découvre lui-même pour lui-même, et des phrases éloquentes qu’on débite en public. » — Bréal, Quelques mots sur l’instruction publique (1872), 300 : « La France produit plus de livres sur la sériciculture que sur la direction des collèges : les règlements et quelques ouvrages déjà anciens nous suffisent. »