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L’ÉCOLE


exercent, outre cela, conduits, poussés et réprimés d’en haut, enfermés chacun dans son compartiment spécial et dans sa besogne restreinte, le proviseur cantonné dans son administration et le professeur dans sa classe avec défense expresse d’en sortir, aucun professeur, sous aucun prétexte, ne pouvant recevoir « dans sa maison, comme externes ou internes, plus de deux élèves[1] », aucune femme ne pouvant loger dans l’intérieur du lycée ou collège, tous, proviseur, censeur, économe, aumônier, maîtres et sous-maîtres, juxtaposés comme des rouages engrenés ensemble par art et par force, sans concorde intime, sans lien moral ; sans intérêt collectif, belle et savante machine, qui à l’ordinaire fonctionne correctement et sans accrocs ; mais qui n’a point d’âme, parce que, pour avoir une âme, il faut d’abord être un corps vivant. En sa qualité de machine construite à Paris sur un type unique et superposée aux gens et aux choses depuis Perpignan jusqu’à Douai et depuis la Rochelle jusqu’à Besançon, elle ne s’accommode pas aux convenances de son public, elle soumet son public aux exigences, à la rigidité, à l’uniformité de son jeu et de sa structure. Or, comme elle n’agit que mécaniquement, par pression extérieure, la matière humaine, sur laquelle elle opère, doit être passive, composée, non de personnes diverses, mais d’unités toutes semblables : les élèves ne peuvent être pour elle que des numéros et des noms. — De là nos internats, ces

  1. Arrêté du 11 janvier 1811. — Décret du 17 mars 1808, articles 101 et 102.